Publications 2014

SIONISME VS ISLAMISME : DÉFAITE DE LA PAROLE 

ET  TRIOMPHE DE LA MORT

 « Je ne puis cultiver de sympathie pour une piété mal dirigée qui transforma un morceau du mur d’Hérode en relique nationale offensant ce faisant les sentiments des autochtones palestiniens » (FREUD.Lettre adressée au Dr Chaim KOFFLER.26/02/1930) 

 

 Je ne pensais pas que, depuis les guerres coloniales d’Algérie, et surtout celle du Vietnam, il m’aurait été donné de voir des opérations meurtrières et criminelles de grande envergure, perpétrées par un Etat, celui d’Israël, contre un peuple, le peuple palestinien, comme au temps de la période faste du colonialisme et de l’impérialisme, dont la nostalgie, en Occident, reste à mon avis, très vivace.

Le déferlement de violence militaire aveugle dirigé par cet État, adoptant des modes opératoires de type pervers (guerre psychologique), légitimés  et justifiés par le combat contre un mouvement islamiste, le HAMAS, issu des « Frères musulmans » – organisation politique réactionnaire et antisémite- provoque des milliers de morts, comme si une punition collective pouvait en venir à bout et l’éradiquer. Et ce n’est parce qu’il combat militairement et de façon légitime les exactions des différents gouvernements israéliens, qu’il pourra faire oublier ce qui caractérise ses fondements théoriques et politiques. 

Il ne faut cependant pas omettre que les dirigeants sionistes, de droite et de gauche, débilisés par leur «occi(re)dentalisation», à l’instar de tous les régimes colonialistes, ont contribué grandement à l’émergence de cette organisation politico-militaire, avec le concours des régimes féodaux régionaux, en vue d’affaiblir alors l’OLP et le FATAH de Yasser ARAFAT. Diviser pour régner est un vieil adage que les états coloniaux ont toujours mis en pratique, en vain. Leurs pratiques diplomatiques et/ou militaires se sont toujours soldées par un échec après que leur appétence pour la mort ait atteint son seuil de jouissance maximale. Pourtant, l’Histoire a bien montré partout que distribuer la mort à tout va, pour imposer sa domination et sa toute puissante virile, n’a jamais été un gage de succès dans les guerres d’occupation et de ségrégation coloniales. Cet enseignement de l’histoire continue d’être méconnu par l’Occident qui pousse l’ État d’Israël- son vassal- à une impasse, d’autant plus que l’exploitation idéologique de l’extermination des juifs d’Europe, servant à dissimuler les raisons profondes du conflit israélo-palestinien, s’érode et contribue à ce que cet évènement inédit dans l’histoire de l’humanité perde sa signification essentielle. Il est tout à fait loisible à mon sens de se demander si le sionisme (de droite et/ou de « gauche »), en tant qu’il constitue une idéologie nationaliste exclusive et ségrégative, qui peut prendre « un peuple dans l’illusion d’une espérance injustifiée » (FREUD. Lettre adressée au Dr Chaim KOFFLER), ne contribue pas à la méconnaissance profonde des causes réelles du nazisme, en tant qu’il représente l’acmé de la réification du capitalisme, dont l’ aboutissement consiste en son entreprise d’extermination des Juifs d’Europe. Cette méconnaissance expliquerait à mon avis le point de jonction de certains sionistes avec des idées néo-nazies : l’idéologie sioniste prône un nationalisme qui n’est en rien identifiable au judaïsme, même s’il l’exploite. Elle se manifeste également dans l’usage facile et quasi-systématique de la condamnation d’antisémite adressée, toute critique visant la politique de l’ État d’Israël. Alors qu’il vaudrait mieux s’évertuer à préserver la spécificité du concept d’antisémitisme et sa signification profonde, afin d’éviter sa banalisation, en définitive peu respectueuse des victimes de « la solution finale », décidée en vain par le régime nazi, dont l’échec a éliminé le non-rapport, est on ne peut plus patent. De même, il ne suffit pas d’être juif pour être considéré comme « naturellement » immunisé contre l’antisémitisme, qui fait montre d’une prédilection sans borne pour tout essentialisme. Dans tous les cas, il s’agit de choix de discours qui acceptent et respectent ou pas l’aliénation signifiante, et partant le statut de la vérité, source de commentaires incessants. Lorsque celle-ci, comme « mi-dit » est maltraitée, le symptôme fait rage, le déchaînement de la mort est à son comble, comme si l’accumulation de plus en plus croissante de victimes, de part et d’autre, signifiait non seulement la victoire sur l’ennemi, mais aussi et surtout l’écrasement de la parole comme rapport d’échange, qui identifie les belligérants comme « parlêtres ». Ainsi, les névrosés, enivrés par la jouissance perverse que leur octroient des pouvoirs militaires et politiques, finissent toujours, au bout du compte (des morts) par « se mettre autour d’une table » pour parler. Ce recouvrement de la parole a sanctionné toutes les guerres, qui ont montré que le sadisme et la rivalité créés entre les ennemis, était vain, même s’il en persistait des restes, que les idéologies n’hésitent pas à ranimer, lorsque les illusions ontologiques sont mises en défaut par l’absence radicale -car structurale- de rapport sexuel, immaîtrisable en tout cas, même par la puissance militaire. Si résistance des dominés à une politique inique, aboutit à une mise en échec des dominants, c’est parce que leur lutte est étayée par la structure de la subjectivité à laquelle les uns comme les autres sont aliénés.

  Pour mieux masquer le caractère colonial du conflit israélo-Palestinien, des idéologues et politiciens de tout acabit présentent le conflit non pas en terme de lutte contre un état qui pratique une politique coloniale, sectaire, discriminatoire et ségrégative à l’encontre de populations palestiniennes de diverses confessions religieuses, mais plutôt en terme de lutte défensive contre un mouvement terroriste islamiste. Ce pervertissement confessionnel d’un conflit de type colonial est soutenu par quelques intellectuels français de supermarchés, qui soutiennent de manière indéfectible l’Etat d’Israël, comme un modèle d’Etat-nation de type occidental, complètement vassalisé à l’ordre capitaliste. Par ailleurs, il permet à bon nombre d’entre eux de se déculpabiliser à bon compte de leur antisémitisme, issu d’un pétainisme encore vivace dans la société française. Outre le cas caricatural de l’écrivain Renaud Camus, soutenu par Alain FINKIELKRAUT dans sa dénonciation et son combat contre « l’islamisation » de la France, qui participe à une manifestation « anti-juive », organisée par l’extrême-droite française , on voit d’anciens nervis du mouvement « Occident », se déclarer volontiers pro-sionistes, conservant intact leur antisémitisme foncier en tant qu’il est le nom du rejet de l’altérité,(toujours là même cible, même si son apparence change), et partant de l’inconscient, qui met en échec leur illusion identitaire paranoïaque et mégalomaniaque de supériorité, voire de suprématie ontologique, à base ethno-religieuse, à l’image des islamistes qu’ils croient combattre, alors qu’ils partagent avec eux le même illettrisme et la même indigence épistémologique. A ce stade, je définirais l’antisémitisme comme la révocation du monothéisme, apporté à l’humanité par le judaïsme, en tant qu’il représente un progrès inhérent à la rupture avec l’idolâtrie polythéiste et à la promotion d’un Dieu unique, comme nom du vide et de la béance, qui, liés à la signifiance, soustraient tout être parlant à la totalité qu’il convoite.

Même si l’argument ontologique débile de la supériorité ethno-religieuse a été mis en échec au terme de la deuxième guerre mondiale, il n’empêche qu’il est toujours en circulation et est toujours utilisé par ceux qui ne peuvent dépasser le discours du maître, malgré tous les écueils qu’il induit, et qui, au lieu d’être analysés, sont d’autant plus méconnus que la guerre et les massacres restent le recours idéal pour continuer à y faire croire et à l’imposer. Ce discours que le capitalisme pousse à son paroxysme, a été au fondement du nazisme en tant qu’il représente le stade suprême de l’objectivation capitaliste : les corps des êtres humains, notamment ceux qui ne sont même pas reconnus comme tels, ne servent plus seulement à l’exploitation comme force de travail, mais sont transformables en objets usuels de consommation, au service de la jouissance totale des fossoyeurs de l’humanité.

 Ce n’est pas parce que l’Etat d’Israël s’inscrit dans une morale générale, apparemment réprobatrice du régime le plus vil de l’humanité, que lui-même ne s’adonne pas aux pillages, aux spoliations, aux discriminations voire à la déshumanisation des Palestiniens, au point qu’il se trouve dans la société israélienne, contaminée par ce discours, des individus qui peuvent, au titre de représailles, brûler vif un jeune palestinien, coupable d’être né ainsi. Quelle grimace de l’Histoire ! On peut alors se demander si la société israélienne ne porte pas en elle le germe de l’antisémitisme qui mine ses propres rapports sociaux, d’autant plus que c’est bien un juif intégriste, extrémiste, qui a assassiné Rabin, parce qu’il voulait  faire aboutir des « pourparlers » de paix avec les Palestiniens, représentés alors par Yasser ARAFAT.

Critiquer la politique d’un Etat qui use de méthodes digne des périodes les plus noires du colonialisme et de l’impérialisme occidentaux, n’empêche pas de soutenir et d’appuyer le désir du peuple israélien de vivre en paix et dans la sécurité, nonobstant les luttes de classes intrinsèques à la société israélienne, et qui ont leurs impacts sur ce même désir.  Il est tout aussi légitime de soutenir les revendications actuelles des Palestiniens à vivre dans le cadre d’un Etat-nation, que l’ordre capitaliste occidental a imposé à la planète entière, et continue de l’imposer….par les armes s’il le faut. Le conflit israélo-palestinien, comme tous les conflits, présentent des aspects extrinsèques – comme la dissimulation de ses causes réelles par le voile de la confessionnalisation- qui font écho à des aspects intrinsèques, tenant à l’état de la lutte de classes et des liens sociaux, c’est à dire des discours, qui prévalent dans chacune des sociétés en guerre.

Tout peuple mérite les dirigeants qu’il élit et se choisit, même si ces derniers  lui infligent  après coup une politique qui le met dans l’impasse : toute escalade meurtrière pour les autres est en même temps suicidaire pour soi. C’est parce qu’il s’enlise dans une politique colonialiste que l’Etat d’Israël se minera à terme : sa puissance militaire est largement suffisante pour garantir sa sécurité, mais pas celle de ses projets d’annexion territoriale, accompagnés de discrimination et d’injustices de tous genres. Les mouvements de résistance contre le colonialisme ont toujours été militairement plus faibles que les puissances qui voulaient les dominer. Au bout du compte, ils ont toujours obtenu gain de cause. Cette méconnaissance inepte de l’Histoire qui sous-tend la politique d’Israël, organise sa défaite à plus ou moins long terme. L’état israélien, sous le joug de l’ordre occidental mortifère, ne faillit pas à la règle : il accumule et multiplie les morts dans le camp adverse, comme s’il s’agissait de victoires, et perpétue au XXIème siècle le refoulement propre aux politiques colonialistes, lequel refoulement empêche d’écrire correctement et précisément les leçons de l’Histoire, avec l’aide d’ailleurs de ceux qui sont devenus les nouveaux maîtres de leurs peuples, mettant en œuvre, après les indépendances ,le même discours – au nom duquel ils combattaient pour se libérer- que celui qu’ils partagent fondamentalement avec ceux qui les asservissaient. Ainsi, la politique colonialiste de l’Etat israélien offre l’occasion à des représentants d’idéologies réactionnaires et rétrogrades, comme les islamistes de toute obédience, de s’identifier et de se présenter comme des résistants, qui se battent légitimement contre une puissance militaire supérieure, pour recouvrer leurs droits nationaux. Ils reprennent à leur compte les mêmes arguments nationalistes et ethno-religieux exclusifs, et alimentent, à dessein, la confusion entre la lutte contre le sionisme et l’antisémitisme.

Cette passion de l’ignorance associe l’Etat israélien à l’organisation islamiste des « Frères musulmans » (Hamas), qui tout en s’opposant violemment l’un à l’autre, partagent en définitive le même discours, qui offre la possibilité de légitimer, voire de justifier des offensives aveugles et criminelles contre des populations civiles, prises en étau entre deux rivaux, aveuglés par le déni de l’altérité et de la castration symbolique. Tout combat au nom de la pureté contre l’altérité, comprise comme altérante, dégradante, et partant éliminable voire éradicable, relève d’une logique fondamentalement antisémite, qui est un pervertissement de la Père-version, au sens ou le discours du maître impose une imposture qui s’oppose et refuse catégoriquement son soubassement signifiant. Tuer l’autre pour exclure et s’affranchir de l’Autre en croyant s’auto-définir de manière quasi autistique, représente une forme de réassurance ontologique, qui est de facture autolytique. Autrement dit, tuer pour affirmer son être et éliminer toute altérité, considérée comme impure, donne l’illusion de se définir, alors que c’est l’existence subjective qui est mise à mort. Le meurtre de masse qui fait miroiter la maîtrise de l’objet et la jouissance qui est censée l’accompagner, est voué à l’échec : la castration et l’incomplétude du symbolique sont indestructibles, quelle que soit la puissance des armes utilisées. L’impossible est continu, éternel et échappe à la tyrannie des exterminateurs de la subjectivité, qui croient en finir avec elle, seulement parce qu’ils éliminent physiquement des quantités de corps. Tuer pour s’assurer la maîtrise de ce qui échappe, est vain et revêt un caractère d’autant plus obscène que la vie pulsionnelle est démentie : la pulsion de mort -à l’œuvre dans le symbolique par la déconstruction, fondée sur la négation- se délie et se départit de la pulsion de vie : la présentification de l’absence, garantie indispensable au continu du réel, est mise en échec. L’obscénité réside dans la croyance que la castration symbolique est définitivement éradiquée par la puissance des armes qui éliminent tous ceux dont la vie se résume à une menace contre la réalisation du rapport sexuel, en tant qu’il est métaphorisé par un objet, en l’occurrence territorial, qu’il faut protéger par tous les moyens (mur, frontières électrifiées, technologies hypersophistiquées…) contre tout risque de littoralité : la barrière ne sert plus à aucun contact, sauf celui de figer et de réifier des différences (indicateurs) pour mieux les reconnaître et les éliminer.

Dans tout conflit qui oppose des êtres parlants, les ressorts subjectifs sont en jeu et mis à l’épreuve à travers les discours utilisés, qui, quelles que soient leurs différences apparentes, ressortissent à une seule et même structure : celle du discours du maître, qui pousse à la violation de l’interdit de l’inceste (ou l’élimination du non rapport) par la mise à mort de milliers de personnes (voire de millions d’individus comme avec les deux bombes atomiques sur le Japon), pour se donner l’illusion que sa force parvient à réaliser le rapport, qui, en vérité reste en suspens et remis à plus tard, malgré l’énormité du chiffre des victimes. La jouissance, procurée par les tueries massives, n’équivaut d’aucune façon à une victoire sur le non rapport, qui se perpétue envers et contre tout. Il sert, à tous ceux qui se liguent contre lui,  à s’identifier les uns aux autres pour en finir avec la négation, propre à la subjectivité. Hostiles au symbolique, ils détiennent des armes si puissantes et destructrices qu’elles leur donnent l’illusion de maîtriser le réel : ils préfèrent faire parler celles-ci, plutôt que mettre au jour leur dépendance et leur soumission au signifiant, d’autant que les uns et les autres se référent à des écrits de référence, religieux et/ou politiques, dont la valeur ne tient qu’à la place de la  lettre et à l’importance de ce même signifiant, auquel ils sont inexorablement aliénés.

Tuer pour réaliser le rapport sexuel laisse accroire que la mort, donnée par les uns et reçue par les autres, peut en finir avec le non rapport. La mort  atteint un niveau de suppléance  et d’équivalence idéales du  rapport sexuel, dont le défaut radical est fondateur de la subjectivité et de la vie. Identifier l’autre à un ennemi et s’identifier soi-même comme l’ennemi de cet autre, accroît une haine déjà féroce, au point que tout trait d’identification commun, comme l’aliénation signifiante, qui aide à restaurer une relation d’échange, déterminée par le non rapport, essentiel à la construction d’un nouveau rapport qui le reconnaisse, est annulé par les obscénités vaines, organisées par les stratèges des idéologies mortifères. Les meurtres, individuels ou de masse, peuvent alimenter la prétention à l’oubli et au refoulement du non rapport en faisant croire que l’accès à l’objet de complétude individuelle et collective  est désormais acquis, alors que son manque ne cessera pas de s’imposer, d’une façon ou d’une autre. Les éliminations physiques ne viendront jamais à bout de l’impossible, qui accompagne toujours la vérité en tant qu’elle est mi-dite, et dont l’échappement assure l’omniprésence. Faire oublier le non rapport et la vérité qui l’assortit, en usant de stratagèmes idéologiques, politiques et institutionnels, n’aboutit d’aucune façon à son élimination. La tentation et la passion de venir à bout du défaut essentiel des êtres parlants, conduisent à bien des errements, mais, à chaque fois et après coup, elles révèleront qu’elles produisent des métaphores du non rapport, qui ne « meurt pas », parce que le « mot », réalise le « meurtre de la chose » et  confirme le primat de l’ordre symbolique chez eux. Cet ordre transcende les politiques étatiques qui n’en ont cure, car elles ressortissent à un discours qui ne leur permet pas d’intégrer le principe de non-identité à soi, nécessaire à l’existence subjective, d’autant que l’hégémonie du capitalisme, qui, lui, ne souffre pas la négativité du sujet, pousse à l’extermination de tout ce qui rappelle le non rapport, avec l’aide des moyens offerts par la science et les différentes technologies connexes.

 L’ »israélophilie », réduite au seul soutien apporté à la politique colonialiste d’un Etat, est un leurre : elle est pratiquée par maints antisémites qui, en quête de déculpabilisation, en rajoutent quant à la confessionnalisation du conflit, comme si le peuple palestinien ne comptait pas en son sein une importante communauté de chrétiens et d’autres confessions. Mais la haine paroxystique de la castration symbolique ne s’embarrasse pas de dialectique borroméenne, qui permet de considérer que la différence et la spécificité ne sont pas incompatibles avec l’homogénéité. La confrontation engagée par deux peuples pour jouir d’un même objet, en l’occurrence une terre, accentue les aspects bilatères des lectures qui en sont faites et proposées. Pour une grande majorité d’entre elles, elles relèvent de discours qui privilégient la sphéricité et font barrage à la littoralité, en ce sens que l’inconscient n’y a pas sa place, malgré les remarques proposées par FREUD quant à ce conflit et, d’une manière plus générale, quant au « malaise dans la civilisation ».

L’Etat d’Israël, comme les régimes féodaux régionaux, remplit une fonction assignée par l’Occident capitaliste, qui consiste à maintenir la région sous tension, tant que le pétrole reste précieux. L’exploitation idéologique du judaïsme sert de paravent, d’autant plus qu’il est appauvri et réduit à la dimension de soutien et de justification à la politique d’un Etat, qui cherche à imposer sa force dominatrice et sa capacité répressive et destructrice, rejoignant la cohorte des négateurs et exterminateurs de l’existence et du sujet. Quant au HAMAS, fondamentalement antisémite, il sert les dangereux desseins d’un Etat israélien qui n’a que faire du judaïsme et de sa richesse d’interprétation, en tant qu’elle met en évidence la signifiance au titre de capital de l’humanité. Annihiler la force du signifiant conduit immanquablement à déshumaniser, c’est à dire à désubjectiver pour « mieux » tuer et croire ainsi à la mise à bas de l’Autre, qui échappera en tout état de cause, et  ce, malgré  les armements et les technologies que les Etats capitalistes et leurs trafiquants, « distribuent », moyennant « monnaie sonnante et trébuchante ».

Confessionnaliser le conflit, le dévoyer en confrontation entre conceptions religieuses opposées voire ennemies -soit en guerre de religions- sert à lui dénier son vrai caractère, celui de conflit colonial, dont l’issue à terme est connue d’avance. L’Histoire nous l’a appris, malgré les multitudes de morts. Tous les ténors du bilatère mortifère en seront pour leur frais ! Mais d’ici là, d’autres victimes viendront s’ajouter à la longue liste de ceux dont l’existence n’a aucun prix face à l’hypertrophie du moi des détenteurs de pouvoirs économique, politique, idéologique, et face à la raison paranoïaque d’état. Elle nous apprend aussi que les mouvements de résistance et de libération des peuples, malgré la justesse de leurs revendications, ne s’inscrivent pas forcément dans un discours radicalement différent de celui qu’ils sont censés mettre en échec. Les indépendances de nombreux pays ex-colonisés nous montrent à l’envi que de nouveaux despotes, hormis leur autochtonie , ne sont pas fondamentalement différents, quant aux politiques menées, de leurs prédécesseurs étrangers, adeptes du colonialisme pur et dur.

  Ce qui est à l’œuvre dans tout mythe fondateur d’une société, relève du primat du symbolique qui se voit, selon les vicissitudes politiques idéologiques, refoulé, dégradé et censuré au profit d’institutions, qui n’ont de cesse que de le mettre au rencart, pour « mettre le grappin » sur la vérité, alors que son immaîtrisabilité favorise l’avènement d’un discours, qui tient et prend en compte l’échappement, pour mieux battre en brèche le totalitarisme manifeste ou latent des conceptions dominantes, dont la puissance est mise au service de la dévalorisation de la parole et de la mise en échec de la fonction signifiante. Cette décadence est la marque de la mondialisation, qui s’oppose -armes à l’appui-, à l’émergence d’un nouveau discours possible, en le domestiquant le cas échéant (cf. le printemps arabe), pour qu’il s’adapte et s’intègre finalement aux canons de la logique de la jouissance, qu’elle promeut comme un idéal indépassable, refermant ainsi toute possibilité de dépassement de l’ordre capitaliste qu’elle protège efficacement….avec les arsenaux militaires et financiers, si besoin. Ainsi, bien des soulèvements, accompagnés de morts, s’abîment dans des conceptions qui viennent renforcer la lâcheté ambiante, faute de discours adéquat, respectueux de la structure signifiante et de la logique asphérique, libératrice de la « débilité » massive qui nous assaille, bien souvent avec l’assentiment de nombre de ceux qui la dénoncent, disent en souffrir, alors qu’ils font tout pour consolider les conditions de sa perpétuation.

 Les guerres qui opposent et rassemblent les passionnés de l’identité pure et/ou purifiée et de la supériorité ontologique, montrent à l’envi que ces derniers sont animés par une hostilité farouche et une haine sans nom envers le symbolique et la castration, qui imposent quoi qu’il en soit une incomplétude irrémédiable, nécessaire à l’existence, et qui bat en brèche leurs vaines prétentions imaginaires, destinées à nier l’écart irréductible entre le réel et les réalités. Cet écart défait tôt ou tard les mailles de n’importe quel filet idéologique, et met au défi n’importe quelle arme, aussi sophistiquée soit-elle.

En effet ce n’est ni avec des  guerres, ni avec des armées que le moi recouvrera sa position de « maître en sa demeure » ! Mais la nostalgie collective et la paranoïa compassionnelle, guidées par l’hypertrophie du moi sont telles, que la mise à mort de parlêtres par leurs semblables, qui ne veulent rien savoir du sujet comme négation du moi, ont encore de beaux jours devant elles !!

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         Août/Septembre 2014

Amîn HADJ-MOURI

CERVELLES MOISIES !

OU L’INFESTATION DU DISCOURS ANALYTIQUE

PAR LE BILATÈRE INFATUANT DU DISCOURS UNIVERSITAIRE

« Le discours universitaire, c’est le discours du maître, mais renforcé d’obscurantisme » (J.LACAN. Radiophonie)

« La vérité s’ origine dans sa structure de fiction » (J. LACAN Cahiers Cistre)         

               

 Je me propose de présenter ici une lecture critique de l’ouvrage de Fethi BENSLAMA : « La guerre des subjectivités en Islam » (Ed. LIGNES). Il serait fastidieux de s’arrêter aux  nombreux faux pas et autres bévues contenus dans les différents articles qui composent ce  livre, c’est pourquoi je me livrerai plutôt à une critique d’ensemble, en indiquant de temps à autre des points plus précis. Ainsi, par exemple, le terme de « subjectivités » – utilisé dans le titre – présente  une ambiguïté d’ordre épistémologique. S’agit-il de positions subjectives, et auquel cas, la pluralité est possible si elle se réfère à la structure subjective  qui est une (unarité), et à ce titre, matrice d’une diversité d’expressions, de positions et de traductions de ce en quoi elle consiste, à savoir le vide fonctionnel, qui la constitue ? Ou bien s’agit-il de subjectivités au sens de structures  objectives différentes qui ne renvoient, comme en soi, à rien de commun dont elles pourraient procéder, et qui correspondraient alors  à des ersatz ou à des succédanés d’essence ?

 La suite des écrits confirme à mon sens cette dernière alternative, puisque l’unarité n’est jamais invoquée, ni explicitement ni implicitement. L’analogie terminologique ne signifie pas, loin s’en faut, accord et partage de la logique asphérique, spécifique au discours analytique. Les tours de passe-passe terminologiques et théorico-cliniques attrappe-tout ( du style ; « le moi et le non-moi » ou « les mutualités archaïques du sur moi », ou encore « le sujet de l’Islam », « le sujet en Islam », « le sujet théologique » ou bien encore « l’univers du discours arabe », « l’univers du discours de la langue arabe »), infléchissent la radicalité de  l’asphéricité du discours analytique et « l’éternel féminin » qui articule l’éternité du Père en tant qu’il est définitivement absent, et la position féminine, qui procède de son incorporation irréversible en tant que tel, et  qui ne cesse de le présentifier à travers tous les processus de représentation.

Par ailleurs, bien que les élaborations et constructions intellectuelles, malgré l’existence des droits d’auteurs, n’aient pas à être soumises aux mêmes règles que l’économie marchande de biens matériels appropriables, puisque la signifiance et la fonction signifiante ne sont pas quantifiables et n’appartiennent à personne en propre, il reste qu’une « inquiétante étrangeté », peut s’emparer d’un lecteur lorsqu’il est amené à lire sous la plume d’un autre auteur, des lignes qu’il a lui-même rédigées, et qu’il reconnaît, malgré leurs modifications et transformations, d’autant que la logique qui les sous-tend est complètement étrangère au discours courant de l’auteur en question, lequel fait plutôt référence à des notions psychologiques telles que « psyché, » « psyché de masse des musulmans », « inconscient comme réserve pulsionnelle », « le trou comme sexuel originaire » etc…

 Une fois la surprise passée, d’autant plus que les sources ne sont pas citées[1], ce qui est désolant, malgré l’usage de périphrases et de paraphrases plus ou moins métaphoriques, les concepts fondamentaux ne servent plus le discours analytique et sa logique, telle la notion de « vide efflorescent », qui se substitue au vide fonctionnel,  le délestant ainsi de sa fonctionnalité, inhérente à l’aliénation  signifiante, laquelle est complètement méconnue. La logique borroméenne passe  ainsi à la trappe !

 Pourtant, le mérite de ce type de spéculation, finit par montrer que  les concepts analytiques, freudiens et lacaniens en l’occurrence, sont radicalement étrangers au corpus qu’utilise la psychanalyse universitaire, comme celui de « béance causale », qui renvoie à la structure signifiante et qui apparaît par enchantement dans un discours, loin d’être prêt à le recevoir, tant il est étranger à la mœbianité induite par un tel concept.  Cette édulcoration de ce qui ressortit à la mœbianité et à la borroméanité n’est rien d’autre qu’une  résistance à l’inconscient, qui  se traduit par un triomphe du bilatère, et la mise  au jour d’une farouche détermination à ne pas vouloir en être la dupe.

Le souci de l’éthique du discours analytique aurait requis de proposer un dépassement des raisons et hypothèses empruntées, mais les tenants du discours universitaire se retrouvent coincés par l’obscurantisme et soumis  ipso facto à une conception du monde  réactionnaire. Tirer vers le bas le discours analytique, et le pervertir au point de le rendre funestement inaudible pour ceux qui ont beaucoup de peine à accéder à l’intelligence  et à la compréhension de situations socio-politiques, qui font l’histoire des sociétés dites arabes, en l’occurrence celles du Maghreb, finit par le reléguer au rang d’une idéologie, qui contredit le concept fondamental d’inconscient au sens freudien. Cela est d’ailleurs manifeste dans cet ouvrage lorsque l’auteur se réfère à une chronologie  hitorico-génétique qui contredit la temporalité propre à l’inconscient, à savoir la concomitance que détermine la présentification de l’absence, au sens où l’existence subjective  est fondée sur la mort de l’être, en  même temps  que le signifiant renvoie à la mort de la chose et aboutit à la non-identité à soi, puisque aucun signifiant ne peut se signifier lui-même. C’est bien ce que met en oeuvre  la fonction signifiante, à partir de la structure du signifiant, caractérisée par un écart irréductible avec le signifié, lequel écart concrétise l’échappement tout en permettant l’évidement et les rapports métaphoro-métonymiques. Le « wo es war soll ich werden », déterminé par cette temporalité spécifique inhérente à l’inconscient, se retrouve traduit par « là où ça a été le je doit advenir » qui implique une chronologie, favorable à une conception génétique linéaire, propre à la psychologie, qui réifie en refusant l’asphéricité, mise en jeu par l’inconscient et le signifiant. Ainsi, la notion philosophico-idéologique de « sujet musulman », outre qu’elle rappelle le funeste Code l’Indigénat de  l’Algérie coloniale, elle s’avère complètement inadéquate au discours analytique : le sujet de l’inconscient échappe à tous les attributs et autres prédicats, qui servent à traduire et à saisir cet échappement, qui est congruent avec la signifiance, en tant qu’elle dépasse et permet l’évidement de tout complément qui se veut en fait métaphorique, sans pour autant clore la métonymie qui le sous-tend.

 Il en est de même pour le concept de « plus de jouir ». Plaqué de façon sauvage sur un propos qui n’y est pas du tout préparé,  il rend encore plus  obscure la référence à la plus-value de Marx. La valeur déterminante de l’équivocité dans la construction par Lacan de ce concept, qui articule la perte  sur fond d’aliénation signifiante, confirme le défaut de rapport sexuel, lequel défaut ne saurait être identifié à un déficit, puisqu’il est l’assurance même du plus de jouir, issu de l’interdit de jouissance instauré par l’aliénation signifiante, qui confirme le primat de l’ordre symbolique, et partant de la valeur d’échange qui, parce qu’elle ressortit au manque et au désir, persiste  en transcendant toutes les valeurs d’usage–objectales et « objectives » – qu’elle détermine pour révéler sa consistance. La topologie du sujet développée par LACAN n’a rien à voir avec la « géopsychanalyse » sphérique  promue par les platitudes universitaires, qui, en spatialisant par trop, finissent par méconnaître la temporalité propre à l’inconscient, et n’avoir cure de « l’éternel féminin ». Il n’y a pas de « sujet musulman », mais il y a  différentes façons de prendre en compte – et d’en rendre compte – la subjectivité dans les sociétés qui se réfèrent à l’Islam, selon l’histoire qui les particularise et qui permet à certains moments la domination d’idéologies particulières et différentes. Même une  conception qui nie l’inconscient ne peut se départir de la subjectivité, et reste une position subjective. La subjectivité est une, mais permet que ses expressions et traductions soient multiples et diverses.

Embourbé dans le discours courant, l’auteur a du mal avec le défaut et les problématiques qu’il implique en tant qu’il renvoie au manque fondateur et producteur de réalités, dont le fondement signifiant  permet de « couper » avec les illusions du réalisme et de l’objectivité, selon la dichotomie en vigueur : intérieur (subjectif)/extérieur (objectif), qui nie toute possibilité de mise en continuité de l’un avec l’autre, et refuse  la logique de « l’un… pas sans l’autre ». Cette  logique respecte la lettre  et suit à la lettre  l’articulation signifiante pour évider les obstacles idéologiques (prédicats substantivants et/ou naturalisants et réducteurs) et favoriser l’émergence de la signifiance, c’est à dire le vide fécond et opérant qui n’a pas à être obéré par quelque référence originaire que ce soit. Ce vide conduit à partir de la lettre à une littoralité qui permet d’établir des distinctions sans rejeter l’identité fondamentale qui les détermine et les dépasse, dans le sens où leur consistance ne procède que de cette dernière qu’elles matérialisent, expriment et extériorisent, pour que le fantasme puisse s’en saisir et que le travail d’évidement devienne possible. Cette littoralité préserve de l’illettrisme  spécifique du discours universitaire, qui déconsidère outrageusement la lettre au profit de théories de l’être et de tous ses ersatz, qui récusent en vérité la négativité de l’inconscient, alors qu’elles ne peuvent en aucun cas s’affranchir de la détermination signifiante ; même si elles ont pour mission de continuer à entretenir l’illusion de se libérer de celle-ci et de l’aliénation signifiante.

 L’apport majeur du discours analytique à la lecture de situations, comme celles qui ont eu lieu dans plusieurs sociétés dites « arabo-musulmanes », consiste justement à faire valoir cette littoralité pour rompre, c’est à dire dépasser, la logique classique nécessaire et qui ne peut être exclue puisqu’elle tient au fantasme et au discours du maître.  Cependant les métaphorisations du vide peuvent faire l’objet – comme dans le discours universitaire, mais pas seulement- de substantialisations réifiantes qui développent l’oubli de leur détermination et les figent dans une conception exclusive et hégémonique, inhibant la métonymie qui est issue de ce qui les détermine et qui échappe. Elles participent grandement à la méconnaissance du réel. N’en déplaise aux imposteurs qui confondent  exclusive et radicalité, il s’agit de défendre farouchement la temporalité du rapport métaphoro-métonymique, qui articule la béance et le réel pour battre en brèche les énoncés univoques et sphériques, que la dialectique asphérique inhérente à l’inconscient perturbe constamment, de manière implicite et explicite.

 L’hommage pourtant qu’il s’agit de rendre à ce genre d’écrit provient de ce qu’il donne à lire « à livre ouvert », les impasses du discours psychologique,  issues de l’univocité du bilatère qu’il mobilise et qui contribue grandement à l’aggravation de la psychose sociale. Les déguisements outranciers empruntés à la psychanalyse, comble de malédiction, ne permettent pas de dépasser l’entendement qu’il engendre. Au contraire, ils le renforcent au point que l’inconscient (freudien) en vienne à perdre toute sa richesse épistémologique et heuristique. A la carence de l’unilatère, vient suppléer le pathos, fonds de commerce de la psychologie, qui alimente maints modes d’hystérisation, lesquels, loin d’être subversifs, renforcent en fait le discours du maître, « qui est l’envers du discours analytique » (LACAN) .

 De la même façon que pour les concepts fondamentaux, les processus identificatoires sont abordés par l’auteur à partir de considérations ontologico-essentialistes qu’il renforce, alors qu’il croit les démonter. En effet, la méconnaissance du fondement signifiant qui postule la non identité à soi, ne  lui permet pas de distinguer le narcissisme fondamental du narcissisme spéculaire, ni d’aborder les rapports qu’ils entretiennent entre eux. L’éviction de la négation de l’être, promu par l’inconscient qui articule la différence (niveau local) à l’identité (niveau global), en les mettant en continuité, conduit à la proposition de notions typologiques, comme « le sur musulman » ou bien « le musulman séparé ». Ainsi s’il est faux de dire, comme je l’ai affirmé dans l’un des articles de l’ouvrage collectif non cité (Algérie, années 90, politique du meurtre, Editions  LYSIMAQUE) que je suis musulman et arabe parce qu’algérien, il est tout aussi faux que dire que je ne suis ni l’un ni l’autre. Le « pas tout » permet à la distinction de ne pas signifier l’exclusion, mais la mise en continuité de ce qui est différencié. Cette logique du pas tout et du ni… ni (anti-totalitaire), implique qu’aucun parlêtre n’est en mesure de « dire le vrai sur le vrai. » (LACAN) La fonction signifiante s’y oppose radicalement et c’est pourquoi toute construction qualifiée d’humaine, qu’elle soit scientifique, religieuse, littéraire, etc, – surtout si elle est à prétention ontologique – ne peut contredire ce fondement inhérent au signifiant, et partant à l’ordre symbolique, en tant qu’il est la négation même de toutes les idéologies essentialistes qui confortent l’infatuation moïque ainsi que l’« hommosexualité ».  Celles-ci ne souffrent pas la négativité de l’inconscient, dont la productivité incessante fait écho, tout en le confirmant, au défaut de rapport sexuel, inhérent à l’interdit de l’inceste, auquel les idéologues de tout poil ne sont pas très ouverts, ni très attentionnés, institutionnalisés qu’ils sont par  leurs constructions obturatrices du réel, au détriment d’ailleurs de la science, mais au bénéfice de leur moi hypertrophié qui pousse au jouir et à la débilité, lesquelles ne veulent rien savoir de la castration symbolique.  Celle-ci fait de la faille insuturable, inhérente au réel, la matrice de productions qui l’excèdent et affirment et confirment par là même, le ratage de toute complétude. Dès lors « on pense  là où on n’est pas, et on est là  où on ne pense pas », comme en témoigne la vanité des discours de charognards et autres imposteurs, unifiés par « la mise au rencart de la sexualité », ainsi que par le rejet du désir en tant qu’il rend vain tout objet promu à assurer la jouissance en même temps que l’amplification et la garantie ontologiques. Le supplément ontologique censé être apporté par l’objet, entretient l’illusion de la complémentarité qui se confond avec la complétude, toujours en proie au ratage structural qui rappelle l’Autre, c’est à dire cette altérité intime, insaisissable et qui met en échec le moi ou la conscience, notamment face à des formations et des manifestations qui paraissent d’abord étrangères (pas naturelles), mais à partir desquelles peuvent se développer  un autre entendement, une autre rationalité qui requièrent des précautions méthodologiques bien étayées pour ne pas trahir ce fondement essentiel de la subjectivité qu’est l’inconscient.

 Tout réductionnisme qui vise à démentir le primat de l’ordre symbolique, en naturalisant les problèmes par exemple, ne peut faire autrement que  se discréditer, dans le sens où il en procède quoi qu’il en soit.

Le discours analytique est ainsi broyé par le discours universitaire et ses inepties qui font croire – comble de l’ironie et du cynisme – qu’il peut le compléter comme s’il partageait tous deux la même structure. Face à de telles impostures qui mettent en péril le discours analytique, il s’agit de relever et de rectifier les corruptions et dégradations conceptuelles, propices à son annexion par des idéologies fondamentalement opposées à son éthique, Au lieu que le discours analytique, promoteur d’un lien social inédit, contribue, par la négativité de l’inconscient, à la libération de ceux qui sont en proie à des  despotes et des tyrans, il contribuera à leur asservissement, en se laissant identifier à des conceptions perverses, distillées par des théories psychologiques pseudo-analytiques qui n’ont comme prétention que la consolidation de l’ontologie et de l’essentialisme, qui, sous le prétexte de réalisme, rejettent le fondement signifiant de toute réalité et partant, l’inconscient lui-même.

 Or, à ce réalisme, le discours analytique oppose, en préservant à tout prix le primat du symbolique, le nominalisme, qui confirme et s’appuie sur l’écart entre le signifiant et le signifié Il intègre et met en évidence, malgré tous les obstacles idéologico-imaginaires, cette dimension essentielle qu’est le réel, dont l’échappement constant garantit la fluence signifiante, et détermine l’impossibilité de le réifier, comme le montre le développement de la science, quelles  que soient les illusions ontologiques qu’elle peut entretenir.

 Les prétentions du discours universitaire au métalangage se traduisent par une tentative de nier  les relations rétroprogrédientes entre S 2       S 1     S2. Elles suscitent diverses dérives de la part de conceptions psychologiques qui prennent en otage la psychanalyse pour l’asservir à cette fin : à savoir en finir avec le sujet et encourager la psychose sociale, avec le concours de théories hétéroclites qui n’ont qu’un seul souci : accentuer l’hégémonie du bilatère pour exclure, sous prétexte de libération, le vide fonctionnel qui assure l’existence subjective. Ainsi, le réalisme tant revendiqué par des « psy » de tout poil, fait la part belle à l’objectivité qui consiste à se départir du réel en fétichisant n’importe quel système de suture qui prétend affranchir de la détermination signifiante et maîtriser le réel en tant qu’il échappe. Or, cet échappement est fondateur de toute construction qui, en dernière instance, implique la structure signifiante. Cette aliénation signifiante fondamentale soutient le sujet en suscitant et en multipliant les prédicats qui, tout en visant à le compléter et le couronner, finissent par mettre en évidence et en lumière le manque qui le constitue. Le manque à être perpétue, grâce aux éléments qu’il engendre, la béance ou la faille avec l’être ou le signifié, dont le caractère inaccessible est toujours métaphorisé. L’articulation signifiante suit un développement métonymique qui articule l’écart avec le ratage. Les traces du sujet en tant que marques et remarques du désêtre, confirment à la fois l’existence subjective et l’incomplétude qui la soutient et fait écho au réel. C’est ainsi que le fondement signifiant obvie à la plus value fétichisée par le capitalisme, qui pervertit la science en la faisant confondre objectivité et réel jusqu’à la réification exclusive de l’impossible qu’elle dédialectise du nécessaire du possible et du contingent.

 Cette réification fétichiste de la plus value est corrélative de celle qui enserre la valeur d’usage et la délie de la valeur d’échange, en tant qu’elle la détermine et lui échappe, malgré  l’objectivation et le réalisme capitalistes qui ne misent que sur l’exploitation de la force de travail des corps soustraits à la sexualité, et à l’accumulation quantitative et écrasante de la plus value. Contrairement à Jacques DERRIDA, qui écrit dans « Politique et amitié » (Ed. GALILEE) : « Je sentais au moins obscurément que le concept de lutte des classes, l’identification même d’une classe sociale étaient ruinés par la modernité capitaliste », ladite modernité  consiste de nos jours à accentuer de plus en plus subtilement – et de plus en plus sauvagement – le processus d’exploitation  afin d’assurer, du côté capitaliste, une plus value de plus en plus importante,  et – comble de l’ouverture – à partir de tous les continents, laissant accroire que  le colonialisme d’antan est révolu.

 Le discours universitaire encombré par sa prétention  au métalangage, ne souffre pas en définitive l’inconscient quoiqu’il en dise et laisse croire. Sa structure l’en empêche et il lui faut franchir le cap de l’acceptation en acte du fondement signifiant pour qu’il accède à une autre logique, celle que le discours analytique a réussi à mettre en évidence et en œuvre, à partir d’une clinique qui redéfinit la séméiologie en même temps que le statut de l’interprétation, notamment celle des hystériques, lesquels malgré leur contestation et leur protestation, ne peuvent s’affranchir de l’entendement bilatère, déterminé cependant par l’unilataire, toujours omniprésent. La présentification de l’absence, métaphorisée par FREUD par la mort du Père, qui met en déroute la causalité classique, ainsi que la  méthode hyptotéthico-déductive, qui pousse à l’univocité et à l’universalité, débarrassée de la singularité comme hétérogénéité. Or, un des apports majeurs de la métapsychologie freudienne, porte sur l’articulation et la compatibilité entre l’hétérogénéité et l’homogénéité. Le symbolique, « le motérialisme » (LACAN) confère à la psychanalyse  son soubassement matérialiste, nécessaire au travail analytique dans le sens où il consiste à évider, c’est à dire de donner toute sa valeur au vide fonctionnel qui libère de toute notion d’origine préétablie, en soi, en favorisant la production de métaphores qui n’en finissent pas en raison du ratage, qui étaie sans cesse la métonymie, toujours relancée, du fait de l’écart que produit toute énoncé avec l’énonciation.

 Jouir de ce « motérialisme » et de la castration, donne accès au plus de jouir et libère de l’asservissement à des interdits féroces, imposés aussi bien par le moi que par des despotes qui entretiennent l’illusion de l’objectivité et de l’oblativité par l’idéalisation d’objets, censés répondre au narcissisme spéculaire de chacun, lequel favorise l’identification imaginaire et l’accès à l’identité au sens de la complétude ontologique et totalitaire, alors qu’elle est radicalement impossible du fait de la structure subjective elle même. C’est en vérité la structure subjective qui met en échec tous les stratagèmes pour laisser croire le contraire.  Et c’est grâce à ce motérialisme que Freud a réussi là où le paranoïaque échoue, au sens où  ce dernier se croit capable, grâce à sa mégalomanie et à son hypertrophie démesurée du moi, de venir à bout de cet écart et de ce vide fonctionnel, nés de l’interdit de l’inceste et que l’inconscient  met en oeuvre et en acte par la parole. L’organisation signifiante de celle-ci conduit à l’abandon de toute tentation de métalangage. La métapsychologie freudienne n’est en rien une anthropologie et encore moins un métalangage qui consiste à asservir les concepts freudiens à l’hégémonie di bilatère, exclusif de l’unilatère, et qui domine tous les rapports sociaux, que ce soit dans les sociétés du Maghreb ou dans d’autres Etats – nations de la planète,  à la merci  du capitalisme et de ses intérêts fétichisés. Ce n’est certainement pas la grandiloquence spectaculaire et histrionique d’énoncés idéologico-psychologiques, vitalistes, essentialistes, maquillés de psychanalyse contrefaite, qui redonneront sa valeur au sujet et à l’ex-sistence subjective. En effet, si l’acte qui assure le passage du discours du maître au discours analytique n’a pas été accompli, la condition de dupe de l’inconscient a beaucoup de mal à supplanter la force des injonctions du moi, aggravées par les impératifs de jouissance du surmoi. Autrement dit, le discours analytique, comme envers du discours du maître, ne « tient la route » que si le primat du symbolique a été mis à l’épreuve dans la cure et qu’il reste préservé afin que l’unarité, constituée par une unité  fondée sur une altérité irréductible, n’exclut pas le bilatère qui la voile, la masque  et la contient, notamment avec des moyens de contention idéologique et politique que les tyrans au pouvoir dans les sociétés du Maghreb, par exemple n’hésitent pas à aller chercher auprès de leurs maîtres occidentaux, fascinés eux aussi par les sophistications de la mise au rancart de la sexualité pour mieux démentir l’écart, l’échappement et partant le ratage ou le défaut de rapport sexuel, autre façon d’énoncer que la jouissance est interdite pour tout  parlêtre. La  logique bilatère, encore plus exclusive, renforce celle qui est déjà mise en oeuvre  par les différents pouvoirs mis en place depuis les indépendances, avec la bénédiction des puissances capitalistes de l’Occident où le racisme, la ségrégation, le rejet de l’hétéros ont toujours prospéré jusqu’à engendrer les camps de la mort, acmé du déni de la structure subjective en tant qu’elle place la castration symbolique au centre de l’identité du parlêtre afin de le décentrer, de l’excentrer pour que le sujet advienne. Si la science a été requise pour les camps, Dieu peut l’être aussi pour mener à son terme l’épuration projetée par  certains islamistes. Il devient un instrument, détient une valeur d’usage comme tout objet, pour réussir  l’élimination de l’hétéros dont la signification univoque  s’appuie sur une conception de l’interdit (licite/illicite) qui récuse en définitive l’interdit de l’inceste. La jouissance est alors à son comble ! d’autant que les rapports sociaux de production sont dans les sociétés du Maghreb sous l’emprise de capitalistes locaux et étrangers, liés au pouvoir politique et réunis sous la bannière de l’accroissement maximale de la plus value en un temps de plus en plus réduit, qui ne souffre pas la temporalité de la parole et de la subjectivité, tant la réification et la fétichisation objectales sont paroxystiques et annonciateurs à terme de mort. Le pathos, assorti à « l’humanitairerie de commande », n’est plus de mise ! Tout comme les précautions prises à l’endroit de la « fidélité iconique » témoignée à FREUD et confondue avec le respect rigoureux de l’éthique du discours analytique. Ce n’est pas parce que ce dernier s’est prononcé de façon partielle sur l’Islam que les concepts majeurs qu’il nous a laissés, concernant en l’occurrence le monothéisme, et notamment la fonction paternelle, ne sont pas opérants quant à l’analyse d’états et de crises de sociétés dites arabo-musulmanes. Ce type d’argument, de type exotico-orientaliste, qui cherche à essentialiser l’Islam pour en user comme prédicat ontologique, montre bien la primauté accordée à l’imaginaire au détriment des deux autres dimensions structurales, et par là même, l’absence de pas (négation) qui assure le passage au symbolique, en même temps que la coupure épistémologique qui étaie ce dernier par le réel, permet  la mœbianité.

 Quelles que soient ses spécificités, qui sont bien entendu à prendre en considération, l’Islam relève du monothéisme. Elles concrétisent et métaphorisent un fondement commun ; le Père mort dont la fonction consiste à présentifier sans cesse son absence définitive, en corrélation avec celle du signifiant, qui « représente un sujet pour un autre signifiant » (LACAN). L’écart que ménage l’Islam entre Dieu l’Unique (« l’au moins un »), qui est hors castration, et ses serfs, est irréversible et irréductible, même s’il laisse accroire que cette jouissance hors-pair est atteignable, notamment dans l’au-delà, par la soumission à des injonctions surmoïques, rendues possibles par la  propension du moi à la « servitude volontaire ». Mais cet écart se répète indéfiniment sous forme de ratage (à distinguer de l’échec) en raison de la structure signifiante, qui, en assurant le plus de jouir, révèle à toute révolution sa prétention et sa vanité à triompher de la « béance causale » et de la signifiance, en les suturant par le développement d’un savoir qui pousse à l’illettrisme, sous prétexte d’alphabétisation.  Cet illettrisme consiste à nier le fondement signifiant qui détermine et conditionne tout savoir. Il confère à ce dernier une valeur d’usage en le mettant sur le marché de l’obscurantisme dont l’objectif capital reste le renforcement de la méconnaissance qui revient à oublier que toute conception aussi sophistiquée soit-elle, reste la métaphore de ce qui lui est impossible à saisir totalement, qui constitue ce qui lui échappe et qui soutient la métonymie sous la forme d’un savoir qui se développe sur la base de  cet échappement qui, dès lors, met en évidence la possibilité de l’échange. La valeur d’échange se concrétise par la dialectique métaphoro-métonymique dont l’assise est le principe de non-identité à soi, qui se traduit par l’écart ou le ratage caractéristique qu’induit toute métaphore, en mettant en évidence la structure signifiante, en tant qu’elle articule l’énoncé et l’énonciation.

 Si le discours analytique met l’accent sur la fonction signifiante, c’est bien pour améliorer sans cesse le savoir à partir et grâce à la signifiance qui peut le préserver de dérives idéologiques diverses, dont les arriérations dialectiques mettent à mal ce rapport métaphoro-métonymique, qui met en jeu la temporalité spécifique de l’inconscient, liée à une inexorable altérité, toujours représentée et jamais réifiée, grâce à la subversion par son incorporation du Père mort, qui fait écho à la disparition de la chose. C’est l’exigeante fidélité à ce discours qui évite de grossir les rangs des multiples supplétifs de l’idéologie dominante, dont la haine qu’ils vouent à la castration symbolique et à l’aliénation signifiante, est en fait proportionnelle à celle de la démocratie, en tant qu’elle se fonde sur la béance causale, qui assure la dialectique subjective entre l’altérité et la singularité sans exclure pour autant l’universalité du vide  qui donne toute sa consistance au « parlêtre », comme « manque à être ».

 La dialectique spécifique de la subjectivité, implique ipso facto l’hétéros, inhérent à l’altérité,  et met en continuité bilatère et unilatère, en ne les confondant surtout pas : ni opposition distinctive totale, ni identification amalgamante totale. Cette logique, déjà à l’œuvre chez FREUD, est incompatible  avec les conceptions qui ne cessent de « mettre au rancart la sexualité » et l’inconscient qui, mis à mort, continue de hanter les spéculations psychologiques en les voulant conciliables avec le discours analytique, ravalé alors au rang d’idéologie humaniste qui reste réfractaire et opposé à la détermination du moi par le sujet, autrement dit de la conscience et de l’individualité par l’inconscient.

 Ce primat du sujet qui altère constamment le moi amène les idéologies de tout acabit à proposer des prédicats et des attributs capables de mettre en échec la négativité, mise en jeu par le sujet et qui fait du manque à être le  fondement irréversible du moi, toujours en quête de complétude et armé de prétentions à la totalité, vouées à l’échec en raison de l’aliénation signifiante qui incomplète et à laquelle prend part le moi lui-même, en usant de la parole. Grâce à celle-ci, l’inconscient et ses diverses formations hantent le moi qui se défend contre elles, alors qu’ ils sont  omniprésents et se manifestent toujours, permettant ainsi d’affranchir le moi de ses illusions ontologiques  tout en témoignant que l’existence subjective repose sur la mort de l’être, qui n’a de toute façon jamais été, de quelque façon que ce soit, puisque sa quête ne vaut que parce qu’il y a du « parlêtre » qui s’y oppose structuralement, constitutivement.

 La libération envers  cet être/moi comme un tout fétichisé peut être vécue comme une amputation insupportable pour le surmoi, qui maintient coûte que coûte son impératif de jouissance et conduit à imputer cette atteinte  de la conscience de soi à un « bouc émissaire », dont on est la victime, appelée légitimement à se défendre, alors que c’est contre l’inconscient que la résistance se développe, jusqu’au rejet du fondement signifiant et de la condition de parlêtre, aussi bien pour les autres que pour soi même. La haine de la castration symbolique débouche toujours sur la haine de soi : aucun parlêtre ne peut s’affranchir de la parole, quels que soient les subterfuges idéologico-politiques utilisés.

 La fétichisation  ontologique apportée par un ou des prédicats prétendant parachever le moi, comme entité en soi, absolue, enferme en fait dans un refus d’altérité qui pousse  en même temps au jouir et à la mort : la sienne  et/ou celle d’autrui. Ce parachèvement totalitaire, à l’œuvre dans les idéologies islamistes, est incestueux et « hommosexuel ». Il est voué à l’échec car il ne peut pas venir à bout du fondement signifiant, qui permet au moi lui même de poser la question de son être, de son essence. Il restera toujours en butte avec l’écart entre ce qu’il croit être et ce qu’il est réellement, écart qui vient matérialiser ce qui échappe et fait échec à la complétude, concrétisant ainsi la nécessité de l’interdit de l’inceste. Par cet échec, le sujet, représentant cet interdit, opère une soustraction et retranche à l’addition des prédicats, la possibilité d’atteindre la totalité. Le manque à être excède toujours un attribut qui vise à l’obturer. Ce dernier finit en fait par mettre au grand jour ce qu’il prétend dissimuler et qui relève en fin de compte de l’impossible. Reste qu’il s’agit de s’en saisir en faisant une lecture adéquate, faute de quoi un nouveau fatras idéologico-psychologique viendra l’enfouir de nouveau. Ainsi, les prédicats ethno-religieux à visée ontologique démentent l’inconscient qui est à leur origine en tant que vide fonctionnel. Il les produit pour métaphoriser le manque à être, sans lesquels il est incernable et le sujet les négative en dévoilant leur inadéquation face à l’impossibilité de suturer la « béance causale ». La métaphorisation de cette dernière ne parvient pas cependant à mettre un terme au processus métonymique qu’alimente le vide.

 En négativant tout prédicat essentialisant, le sujet amène le moi à exprimer, au-delà des atours et autres attributs, ses difficultés à dissimuler ce dernier qui le détermine. Ainsi, c’est grâce aux identifications imaginaires et au narcissisme secondaire (spéculaire) que la possibilité d’accès au narcissisme fondamental, primordial est ouverte. Aucune métaphorisation n’est possible si l’interdit de l’inceste et la fonction paternelle ne sont pas opérants. La métaphore paternelle implique la présentification de l’absence (Père absent mais toujours présent par son incorporation), qui est corrélative de la fonction signifiante en tant qu’elle correspond au meurtre de la chose comme matérialité substantivée et qu’elle subvertit le corps comme organisme biologique. Elle nous permet de nous affranchir des inepties de la prétendue objectivité dont raffole le discours universitaire. Pousser les conséquences de la logique engagée dans la métaphore paternelle, relève d’une démarche rigoureuse de type scientifique, qui évite à la science le piège des idéologies ontologico-essentialistes, à l’œuvre cependant dans bien des travaux, qui confortent le malaise des sociétés  qu’on dit vouloir aider, alors que l’éclairage proposé est encore plus obscurcissant et opacifiant, Le pathos et les pleurnicheries  typiques des charognards et autres fossoyeurs de l’inconscient, s’avèrent non seulement insuffisants, voire stériles, mais surtout dangereux, lorsque la richesse d’un discours comme celui de la psychanalyse est mis au service de la psychologie universitaire, quels que soient les accents hystériques qu’elle peut prendre, et dans lesquels elle peut exceller en vue de mettre en faillite le symbolique, et plus particulièrement le vide, qui est la condition sine qua non de possibles transformations et à l’origine d’articulations dont la dialectique entretient le caractère définitivement signifiant, en rupture avec toute notion d’en soi et de déjà établi. Avec un discours qui se fonde sur le vide comme absence radicale d’être, un lien social, débarrassé des « tares » objectales – prendre la valeur d’usage pour ce qu’elle est en la déliant de la valeur d’échange – produites à foison par le capitalisme, qui fétichise la marchandise et réifie les corps en force de travail à exploiter, en laissant accroire qu’il s’agit là d’objectivité, est possible, comme celui qui est censé être mis en place dans la cure. La liberté n’est plus rien d’autre que l’acceptation et la mise à profit de l’aliénation signifiante qui est la seule garantie contre les méfaits des impératifs de jouissance imposés par un surmoi d’autant plus féroce qu’il relaie les commandements socio-politiques, surtout lorsqu’ils émanent de pouvoirs despotiques comme dans les pays du Maghreb, même s’ils ne sont pas tous uniformes.

 Les islamistes de tout bord, pris dans la compétition de la jouissance qu’ils veulent arracher à l’Occident, dominé par le capitalisme,  sont en fait des suppôts de ce système qu’ils parviennent à voiler et à dissimuler en se présentant comme les maîtres de la « folie oblative de guérir » de ce défaut qui empêche la jouissance totale et qui, pace qu’il est structural et insaisissable comme tel, est imputable à toute une série  d’ennemis  qui remettent en cause leurs projets, alors qu’il sont adaptés aux objectifs occi(re)dentaux  capitaux : toujours plus de plus-value et toujours de moins en moins de plus de jouir qui  compromet de jour  en jour la démocratie, qui ne peut advenir sans la prise en compte du fondement signifiant de toute réalité. Cette condition est  un préalable indispensable  pour que l’existence subjective ait droit de citer, de sorte que la singularité s’articule avec une homogénéité dont la confusion avec l’uniformité doit être absolument levée. Un système social ne peut favoriser  l’expression de positions subjectives que si l’aliénation signifiante est au service de l’unarité et non de l’unité conçue comme une identité fondée sur des processus d’identification imaginaires favorables au fonctionnement groupal, toujours gros de dysfonctionnements plus ou moins dangereux pour la singularité, rapidement muselable , même si elle reste active in petto et se profilera toujours derrière ce qui la tait jusqu’à  sa manifestation plus ou moins éclatante pour affirmer et confirmer l ’altérité et l’aliénation signifiante, dès lors plus fortes que la censure imposée par des pouvoirs tyranniques à la structure et donc à l’inconscient. Ce dernier s’oppose donc à la notion idéologico-psychologique de « psyché de masse », qui ne souffre pas que « le sujet de l’individuel, c’est le collectif » (LACAN), au sens où le collectif ici ressortit à l’ordre symbolique et à la castration, mais pas à l’idéologie qui regroupe, rassemble en catalysant les identifications imaginaires, à partir des univocités du bilatère et  le partage, malgré leurs rivalités, le partage du rejet de l’unilatère, qui leur est cependant nécessaire.

 Les pouvoirs politiques tyranniques et despotiques qui règnent sans partage sur les sociétés maghrébines notamment, sont issus de guerres d’indépendance plus ou moins violentes – selon les pays – contre le colonialisme et ses ravages qui vont jusqu’à affecter l’idée de nation, d’autant que ces sociétés étaient plutôt organisées de façon tribale et clanique. Ils ont en fait pris le relais du pouvoir colonial et ont renforcé ces caractéristiques sociales en  les doublant de facteurs économiques pour aboutir à l’émergence de castes  qui, comme en Algérie, accroît chaque jour davantage leurs privilèges, protégées qu’elles sont par le pouvoir politique et la violence de l’armée. La coalition de la bourgeoisie et de l’armée  laisse accroire qu’on a affaire à un Etat-nation, alors qu’aucune institution digne  de ce dernier ne fonctionne au service du peuple. Les luttes tribales et claniques ont évolué en luttes de classes dont l’exacerbation a engendré une contestation violente qui a pris la voie et la référence religieuse pour dissimuler en vérité les véritables enjeux  socio-politiques liés à la nature de l’organisation politique du pays et l’accès à la démocratie au sens de la libération de la parole et de la facilitation de la prise de parole. En Algérie, les islamistes de tout bord, sont, par leur violence apparemment contestataire, les complices de la mafia qui tient le pays sous son joug et continue de piller les ressources  sous la protection de l’armée  et de ses grandes dispositions à la violence. L’Etat se confond avec les castes mafieuses  qui s’identifient à lui pour s’approprier les richesses naturelles, pendant que sur le plan de la société civile, un appareil policier féroce  terrorise les citoyens et les  prive de l’ exercice de  leurs droits  politiques,  usant et abusant  d’un nationalisme chauvin et débile  pour renforcer une pseudo-identité nationale. L’Islam fait d’ailleurs partie de l’arsenal idéologique au service de celle-ci et sert l’hégémonie idéologique et politique des détenteurs du pouvoir d’Etat, qui n’hésitent devant rien pour que les peuples qu’ils asservissent continuent de partager les mêmes discours qu’eux quant  à l’identité, à la partition et à la ségrégation, voire au racisme. C’est alors  qu’ils se retournent contre eux  pour les ravaler, comme du temps de la colonisation et du Code de l’Indigénat, au  rang de barbares qui ne connaissent que la violence, laquelle ne peut être que légitimement réprimée. Identifiés et confirmés dans le statut de barbare, ils développent une haine de soi proportionnelle à la haine du peuple qui est développée par les tyrans qui les croient inaptes à accéder à la civilisation et à la démocratie. Face à ce type d’impasse fourbie par les despotes, la violence apparaît comme la seule forme  d’action politique à privilégier, comme la forme privilégiée de lutte contre le despotisme mafieux. De la même façon que face  à la violence du colonisateur, il a fallu  répondre par celle du colonisé, de nos jours, seule la langue de la force peut être entendue car  la violence est en partage. Et parce qu’elle est comprise par tous, elle est idolâtrée au mépris de la parole et de la subjectivité.  Et  c’est cela qui détermine la vanité du projet politique islamiste : il partage complètement la logique du discours des tyrans et des despotes. Il a partie liée avec les pouvoirs locaux, au sens où il s’inscrit dans la lutte des classes en prenant ouvertement parti pour l’exploitation des peuples en les soumettant à des lois supérieures à celles des hommes pour mieux les asservir.

 Cependant,  la diabolisation  des islamistes est inutile et  surtout contre productive. Les identifier aux nazis, à partir de leur totalitarisme et de certaines analogies que leur conception peut présenter avec l’hitlérisme, comme le fait Boualem SANSAL2, est trop facile et prend un tour quasi hystérique. Car au-delà et en deçà des aspects spectaculaires de ce type de dénonciation, c’est l’intelligence et l’intelligibilité de l’émergence de cette idéologie, avec ses différentes nuances, dans des sociétés parvenues à un certain moment de leur histoire, qui importe le plus. Il dit dans une interview donnée au Nouvel Observateur (10/16/01/2008) : « En avançant dans mes recherches, j’avais de plus en plus le sentiment d’une similitude entre le nazisme et l’ordre qui prévaut en Algérie et dans beaucoup de pays musulmans et arabes. En Allemagne, ils ont réussi à faire d’un peuple cultivé une secte bornée au service de l’extermination ; en Algérie, ils ont conduit à une guerre civile qui a atteint les sommets de l’horreur, et encore nous ne savons pas tout. Les ingrédients sont les mêmes : parti unique, militarisation du pays, lavage de cerveau, falsification de l’histoire, exaltation de la race, vision manichéenne du monde, tendance à la victimisation, affirmation constante de l’existence d’un complot contre la nation (Israël, les Etats-Unis, la France et parfois le voisin marocain sont tour à tour sollicités par le pouvoir algérien quand il est aux abois) xénophobie, racisme et antisémitisme érigés en dogmes, culte du héros et du martyre, glorification du Guide suprême, omniprésence de la police et de ses indics, discours enflammés, organisations de masses disciplinées, grands rassemblements, matraquage religieux, propagande incessante, généralisation d’une langue de bois mortelle pour la pensée, projets pharaoniques qui exaltent le sentiment de puissance (…). Les dictatures des pays arabes et musulmans ne font que forcir ainsi ». Il poursuit : « Nous vivons sous un régime national-islamiste et dans un environnement marqué par le terrorisme, nous voyons bien que la frontiètre entre islamisme et nazisme est mince ».

 

Certes, la similitude de certains ingrédients peut et doit être notée. Mais ce n’est pas leur seule présence qui détermine une certaine partie de la société à s’engager dans le totalitarisme. Il leur faut un discours qui les articule et qui « ne peut prendre » que si les rapports entre les forces sociales, impliquées dans une lutte de classes, favorisent et permettent la dissimulation du processus d’exploitation, sous toutes ses formes jusqu’ au choix du/des responsable(s)  et coupable(s) auxquels est imputé le malheur des victimes, qui acceptent d’adhérer à des explications qui accroissent leur méconnaissance quant à leurs conditions socio-économiques. Les peuples de ces pays gagneraient pourtant  à ce que des contributions comme celles de SANSAL, ne se résument pas à la présentation de thèses spectaculaires, à fort coefficient émotionnel, réductrices et finalement fausses, et donc peu crédibles. Identifier l’islamisme au nazisme est fondamentalement erroné, si l’on se contente de faire appel à des arguments d’ordre médiatico-émotionnel au détriment d’une analyse rigoureuse, fondée et menée avec des instruments conceptuels éprouvés qui permettent de comprendre en quoi le totalitarisme qui les unit reste tout de même différent, au point que le nazisme n’est à nul autre pareil. Ainsi, si, comme il l’avance, « la frontière entre le nazisme et l’islamisme est mince », il faut préciser en quoi elle consiste ? Et qu’est ce qui peut favoriser le passage de l’un à l’autre ? En effet, le nazisme à triomphé dans des sociétés  régies par la démocratie parlementaire. Quelles sont alors ses spécificités et les caractéristiques de la société où il sévit pour qu’il puisse arriver sans encombres  au pouvoir, réaliser ses objectifs et finir par échouer ? Le « recyclage » d’anciens nazis de tout acabit dans des démocraties ocidentales, après guerre, et le négationnisme  persistant sous des formes très différentes, traduisent à mon sens le rejet constant de la négativité de l’inconscient, qui est à l’œuvre imperceptiblement dans des propos comme ceux de SANSAL. La logique hétérogène qui leur permet de renverser le discours du maître est défaillante et le totalitarisme, issu et entretenu par le moi, même s’il est chassé apparemment à grand bruit par la porte, revient par la fenêtre… du fantasme qui tend à oublier sur le chemin de la quête et de l’obturation objectales, le sujet. Ce sujet de l’inconscient, qui fait échec aux tentatives d’obturation – même les plus totalitaires – renvoie chacun à son altérité intime, insupportable pour le moi, qui s’allie d’autant mieux avec le surmoi, que « la servitude volontaire » est préparée – à l’intérieur et à l’extérieur – et consolidée par l’adhésion à une conception dont le caractère totalitaire et mortifère est liée à l’illusion de toute-puissance consistant à mettre un terme à la signifiance, fondée sur l’inconscient.

Les idéologies islamistes incluent et impliquent des positions subjectives qui ne sont possibles que parce qu’elles ressortissent à la structure signifiante qui les autorise, même si elles la récusent, voire la forclosent en fin de compte. Comme tout parlêtre, celui ou celle qui épouse une telle idéologie totalitaire est adapté à la psychose sociale, induite et renforcée par le capitalisme,  et en quête de moyens lui assurant son affranchissement de l’aliénation symbolique, qui garantit son existence subjective et sans laquelle il met à mort son désir et exclut sa condition d’être parlant et incomplet que Dieu lui prescrit d’ailleurs, en tant qu’il est l’Unique à jouir du Tout.

Les interprétations  et autres spéculations, qui sont censées éclairer ces constructions fictionnelles, s’appuient en général sur des moyens de compréhension et d’intelligence de type idéologique et politique qui les opacifient, tant leur fondement théorique reste obscurantiste, même s’il semble s’opposer à elles, parfois de manière très spectaculaire. Elles interdisent en fait l’appréhension du réel mis en jeu dans ces « crises » des sociétés dites arabo-musulmanes. Ce réel est certes complexe mais il reste « d’une aveuglante proximité », selon l’expression de Michel BITBOL, et met en défaut l’eschatologie progressiste des « réalistes », qui confondent réalité en soi et réel, pour se satisfaire de définitions ontologiques appauvrissantes. Celles-ci manquent à chaque fois le réel et le vide qui le constitue, alors qu’il enrichit – comme en plus qui échappe – toute réalité organisée et construite avec des signifiants.

 Il s’agit par conséquent de s’engager dans un véritable travail d’analyse clinique avec des instruments conceptuels, qui ont fait leur preuve en mettant en évidence les dimensions à l’œuvre dans la subjectivité et qui déterminent des histoires collectives en fonction de la domination d’un discours, qui accorde plus ou moins de respect au signifiant, et partant au sujet, alors qu’il contient des éléments qui le lui permettent et qui finissent par leur mise au jour, à engendrer son propre dépassement. Mais cette mise au jour est impossible si les dénonciations, aussi virulentes en apparence soient-elles, persistent à partager  implicitement la structure  et la logique du discours incriminé, qui exclut toute référence au signifiant pour mieux asseoir les illusions identitaires, en usage dans maintes théories psychologiques, qualifiées de scientifiques. Le déni du manque à être inhérent au parlêtre donne lieu à des surenchères aussi  néfastes  que ridicules qui agrègent aussi bien les charognards opportunistes que les canailles qui opposent une redoutable résistance au dépassement du discours du maître, associé à celui de l’Université, en l’enveloppant d’un voile progressiste, qui concourt au même démenti : celui de la subjectivité , c’est à dire de l’inconscient  et de ses exigences logiques et éthiques. Les luttes qui ont désormais lieu se résument à des batailles entre surenchères moïques et identitaires au détriment de ce principe fondamental de non identité à soi qu’impose l’inconscient, et qui est loin d’être appelé et rappelé en renfort par ceux qui sont censés le promouvoir mais qui le refoulent, même s’ils se situent dans des camps opposés. Y faire référence, c’est reconnaître la négativité de l’inconscient, qui fragilise  le moi et ses illusions hommosexuelles de virilité toute-puissante, qu’il faut obligatoirement faire triompher, quitte à tuer et/ou  à  en mourir. Conjurer le manque à être, alors qu’il soutient l’existence subjective par son omniprésence, fait échec de toute façon aux différentes surenchères moïques et surmoïques.

 Le comble du totalitarisme est de combler le moi en l’autorisant à se sacrifier en suturant le vide issu du manque à être ! Comme un spectre, le sujet (de l’inconscient) ne cesse de hanter l’histoire de l’humanité en lui montrant ses points aveugles quant aux défenses qu’elle a érigées, et qu’elle ne cesse d’ériger contre lui, ne voulant toujours rien savoir – avec l’aide de « savants » si besoin, –  de ce vide – autre nom du réel – qui la définit, la constitue et l’excède dans les deux sens du terme. En confirmant le fondement signifiant de toute réalité, le sujet met en évidence ce rapport particulier du parlêtre avec la vérité, qui n’est pas indicible mais mi-dite.  La parole  inter-dit ainsi de « dire le vrai sur le vrai » en faisant valoir la dimension de l’impossible, qui participe à l’amélioration de l’évidement et à la densification des énoncés en tant qu’ils deviennent respectueux de l’énonciation, et partant plus créatifs, libérés de l’illettrisme imposé par les obturateurs de la signifiance, qui, issue de la lettre, « arrive toujours à destination », comme tout parlêtre le sait,  qu’il soit alphabétisé ou non.

 Si aucun acte collectif ne peut avoir lieu, le « Printemps arabe » nous invite cependant à nous poser la question de l’impact d’un acte singulier (cf. l’immolation de Mohammed BOUAZIZI en Tunisie) sur un collectif, qui peut s’en soutenir sur la base d’interprétations qui ouvrent à la signifiance et à la place de l’inconscient, lequel articule la singularité aux modalités de l’action collective, sur le plan politique. Lutter contre l’illettrisme instillé par des savoirs motivés par l’exclusion  de la signifiance, peut permettre  de faire échec à toutes les formes de censure institutionnalisées  par obturation du réel, dont Dieu est un des noms qui spécifient par ailleurs la structure du vide, organisatrice des signifiants. La moebianité, qui dialectise le local et le global sur la base de la mise en continuité de l’un pas sans l’autre, grâce à la demi torsion, se complète de la borroméanité qui noue les trois dimensions : RSI à partir de la non identité à soi qui subsume à chaque fois le zéro pour incompléter l’unité et la rapporter toujours à ce   dernier : l’un devient identique au  zéro qu’il inclut et qui lui confère sa raison d’être, en tant que l’aliénation signifiante libère de toute forme de réification objectale et produit un en plus  (plus de jouir)  comme  dépassement, issu de l’échappement même, sans lequel il ne peut y avoir d’évidement d’abord et de nouage ensuite. L’évidement est opérant lorsqu’il favorise la « co-(n)naissance » du réel et du sujet, en tant qu’ils sont tous deux hors de portée de quiconque parle comme tel, et ne peut se passer de la parole « dénaturalisante ». La fonction de celle-ci revient à réactiver l’ordre symbolique et son incomplétude caractéristique qui se traduit dans la signifiance, en tant qu’elle confirme la « dénaturation » de l’être parlant. Ainsi, elle ranime l’aliénation signifiante en soulignant l’invariance du vide pour ôter tout frein à la productivité métaphoro-métonymique et mettre un coup d’arrêt au pervertissement de l’ordre symbolique, confondu avec l’ordre social. C’est en mettant en évidence ce type de fondement, qui échappe dans ce qu’il suscite et produit, qu’on peut éviter bien des ambiguïtés quant aux éclairages sur l’avènement et le « succès » d’idéologies, comme l’islamisme dans ses différentes versions,  qui ne sont en vérité que le « Cheval de Troie » du capitalisme le plus rétrograde, associé au despotisme féodal et à la tyrannie tribale, pour mieux exclure l’asphéricité de la subjectivité et participer au rejet de l’inconscient, qui contrevient à l’alliance entre la religion, la science psychologique  et la plus value, en promouvant le plus de jouir comme antidote à la psychotisation mondialisée. La subjectivité que requiert le capitalisme est celle qu’il confie à la psychologie dans le but de la « purifier » de  l’inconscient et de ses stigmates, pour l’adapter à ses fins : masquer la source de la plus value derrière des spéculations théoriques plus ou moins savantes qui n’hésitent pas à piller le corpus conceptuel de la psychanalyse pour mieux l’éliminer (cf. les psychothérapies et leurs fumisteries qui censurent en vérité la psychanalyse en usant d’une « novlangue psychanalytique », dont le but de plus en plus affirmé est d’en finir avec la logique signifiante, alors qu’elles laissent croire qu’elles luttent contre l’hégémonie cognitivo-comportementaliste, terrible menace, s’il en est, pour la psychanalyse).

 Le « printemps arabe » est un fiasco général, même s’il persiste ici ou là quelques traces non négligeables de ces tentatives de passer à un  autre lien social, alors que le discours qui pouvait le permettre était défaillant. Il est loin d’avoir apporté l’hérésie qu’on pouvait en attendre, faute de lectures intelligentes, libérées de toutes charges ontologiques, vitalistes, naturalistes et réalistes, qui aggravent le refoulement obtus du discours du maître, non avare d’artifices gnoséologiques ni de cosmétiques attrape-nigauds.

 Les actes accomplis dans ces sociétés ont fondamentalement échoué, faute d’avoir été inscrits, insérés et articulés dans un discours qui offre les moyens de bien lire les réalités et de les dissoudre  dans un acte de passage  et de reconnaissance  de la place de la subjectivité  et de ses effets  sur la  collectivité. La difficulté de mettre en évidence, à partir de ses propres impasses de plus en plus criantes, les tares totalitaires du discours du maître en tant qu’il musèle l’inconscient qui le fonde, est redoublée et multipliée par tous ceux qui cherchent à le reconsolider en niant toujours son fondement, avec des moyens nouveaux et bien plus efficaces, sous prétexte de changement. Ainsi, la « modernité capitaliste » s’arrangera toujours avec l’alliance entre la science et la religion, pourvu que la plus value soit, sinon accrue au moins préservée. Et au diable le primat du symbolique, d’autant que la conscience ne cherche qu’ à l’oublier ! Pourtant, les manifestations du manque à être, induites par le symbolique, se traduisent et se concrétisent aussi bien sur le plan individuel que social, par des questions relatives, par exemple à l’identité,  dont l’enjeu concerne ces deux plans. Ainsi, l’inconscient est politique  au sens où il aide à mettre au jour le partage par des idéologies rivales et opposées, de la même finalité ontologique et à terme totalitaire, dont le modèle reste la démocratie à la solde du capitalisme occi(re)dental, que certains voudraient imiter de façon simiesque. Alors qu’il s’agit de « travailler » toutes les dimensions impliquées dans l’exacerbation des conflits de classes, pour les faire venir à maturité afin qu’ils libèrent tout ce qu’ils recèlent et favoriser leur dissolution, laquelle devra se matérialiser par un  acte, qui consacrera le primat du symbolique, protecteur de cette signifiance non exclusive de la sphéricité, mais ne s’en satisfaisant d’aucune façon, quels que soient les atours dont elle peut se parer. Est-ce le cas avec la nouvelle Constitution de l’Etat tunisien ?

 Tous les discours qui ont accompagné le « printemps arabe », depuis ses premiers indices avant-coureurs, étaient organisés et orientés de telle sorte que, même si l’exacerbation de la lutte des classes était devenue insupportable et donnait lieu à des soulèvements plus ou moins violents ici ou là, celle-ci demeurerait voilée et masquée : ce qui était mis en avant pour mieux aveugler, c’était le sort de despotes dont la tyrannie s’exerçait en vérité au profit du capitalisme mondialisé, qui les utilisait comme des larbins-laquais du système d’exploitation, pour que la plus value prospère, surtout si le Dieu des islamistes vient de surcroît la légitimer en la naturalisant, à l’encontre du symbolique et de l’articulation borroméenne qu’il assure, à partir de son incomplétude constitutive et du ratage inévitable, qui en résulte en vue de garantir l’existence subjective, corrélative de la perte – bénéfique – par le moi de ses illusions totalitaires de toute-puissance, entretenues d’ailleurs par un surmoi avilissant, hyperactif dans « la servitude volontaire », en  tant qu’elle promet en vain le rapport sexuel. C’est ce rapport sexuel que se déchirent les « idolêtres » islamistes et les idéologues de « la psyché », qui confondent, comme BENSLAMA « la fidélité iconique » à FREUD et le respect intransigeant de la logique de l’inconscient.

 

 

A SUIVRE…

Amîn  HADJ-MOURI

25/05/2014

                  

 


[1] Il s’agit de l’ouvrage collectif ; « Algérie, années 90, politique du meurtre. Pour une lecture freudienne de la    crise algérienne ». Ed Lysimaque 1998

[2] Ancien haut-fonctionnaire de l’Etat algérien, devenu romancier. Il a écrit entre autres ; « le serment des        Barbares » (Gallimard 1999), « Harragas » (Gallimard 2005) et « le village de l’Allemand » (Gallimard 2008).

 

 

ENGENDRER,   SÉPARER,  SE PARER

 
(DOCUMENT DE TRAVAIL)

              

« Les années ne modifient pas notre essence, si tant est que nous en ayons une »

J.L.BORGES. Le livre de sable.

           

Ma préoccupation constante, surtout dans une institution qui se voudrait soignante, consiste à éviter de sombrer  et de s’abîmer dans des idéologies  perverses qui font tout pour qu’elles soient identifiées au discours analytique, alors qu’elles ne sont là que pour institutionnaliser l’idéologie dominante du bilatère triomphant,  violemment réfractaire à la « béance » fondatrice de la subjectivité, c’est à dire l’inconscient. L’institutionnalisation du bilatère dans les institutions  qui ont  la prétention de venir en aide à des enfants et à des familles, qui représentent elles aussi une institution sociale, ne peut déboucher que sur des  dégâts subjectifs, proportionnels à l’asservissement forcené à l’idéologie dominante,  exclusive de l’inconscient.

Afin de ne pas institutionnaliser le bricolage  médico-psychologique anti freudien, procédant du discours universitaire , et qui  prétend faire pièce par tous les moyens, à l’asphéricité, issue de la négativité, mise en œuvre par l’inconscient,  il est nécessaire de préciser toujours un peu plus les concepts  propres au discours analytique, pour ne pas les laisser entre les mains de ceux qui les exploitent, les pervertissent pour les mettre au service de la « psychose sociale », laquelle est parée d’altruisme et d’humanisme, d’autant plus qu’elle est promue par des érudits-illettrés, qui ne veulent rien savoir du « désêtre »,  accouplé au  « parlêtre ». 

Ce travail incessant  d’analysant/analyste met en acte la désupposition du savoir, qui a du mal à  prendre dans une institution « soignante », aliénée au savoir universitaire, qui confond signification, sens  et signifiance.  Il me permet de  montrer  que je « désuis » tout le temps  et déçoit les  adeptes du corporatisme, entendu comme l’association des adeptes du savoir bouche-trou, soumis à la hiérarchie sociale et surveillés par des « chefs », qui n’ont de cesse que de faire prévaloir ce savoir (référentiel) sur  l’ordre symbolique (savoir textuel/lettre), afin de l’exclure, quitte à aggraver la « folie » ordinaire.Le comble de l’inconséquence est atteint, lorsque cette dernière fait l’objet de plaintes constantes provenant de ceux-là mêmes qui créent les conditions de  son  installation et de son développement.

L’institutionnalisation de significations  imposées, parce qu’elles  sont soutenues par le discours du maître, allié de celui de l’université, fait barrage à la désupposition, fondée sur un autre discours qui met en avant, non plus des slogans  ou des mots de passe, mais met en  œuvre la signifiance,  en tant qu’elle permet d’évider les significations, grâce à la négation qu’elle mobilise et active. Ainsi, la parole n’a de valeur réellement subversive  que si elle rapportée à la structure du symbolique, qui articule la déconstruction, soutenue par la pulsion de mort, et la construction étayée, elle, par la pulsion de vie. Le principe de l’une, qui n’exclut pas l’autre, mais lui est nécessaire, comme négation productive, est à la base  du progrès symbolique.

Si les êtres parlants sont confrontés à une aporie indépassable, et qui n’est pas une malédiction, n’en déplaise aux idéologies religieuses, c’est parce qu’ils sont dans un rapport inédit avec l’objet, dans un « rapport d’exclusion interne »(LACAN), déterminant pour l’avènement du désir et de la sexualité. Cette caractéristique, qui instaure la subjectivité,  procède de  ce que « le mot est le meurtre de la chose »,. Cela a pour conséquence que l’objectivité, comme rapport direct et adéquat à l’objet, et comme essence naturelle recouvrée (la chose/das ding), choit et laisse place à un vide, qui fait le délice de tous ceux qui veulent le combler, des charlatans aux plus fétichistes des tenants de certaines sciences à visée ontologico-paranoïaque.  Ce lieu, cette béance perpétuelle, devient le fondement de représentations différentes de ce qui n’est plus, et qui le restera, quelles que soient les représentations et leurs sophistications imaginaires : toute tentative de comblement butera sur l’écart inhérent à cette perte définitive. Le « motérialisme » (Lacan) devient désormais le matérialisme le plus conséquent, puisqu’il détermine toutes les réalités dites humaines, qui existent et existeront  sur la base de ce qu’aucune d’entre elles ne parviendra à l’obturer, quelles que soient les prétentions  à l’occulter,  que ce soit avec un certain type de discours et de savoir, ou bien avec des armes et de la torture, voire les deux pour exterminer .(Cf. le nazisme )

L’absence d’essence est toujours présentifiée dans les réalités qui cherchent à l’éliminer : elle l’est dans les mots qui la matérialisent et permettent de la prendre en compte pour modifier et transformer des réalités, sans aucun espoir de restitution,  de substitution ou suppléance, à des fins d’obturation. Quant au mot, il ne se suffit pas à lui-même. Il  ne suffit pas non plus à rendre compte de tous les éléments issus de cette  perte, devenue une négation, source de richesse signifiante. Ainsi,  toute représentation présentifie de façon constamment inadéquate cette perte, en ce sens que  tout objet qui sert à la concrétiser, n’arrête pas son échappement constant, et partant le ratage qu’il induit.  Sur le plan signifiant, le symbolique  détermine et organise le rapport métaphoro-métonymique  qui correspond à l’échappement et au ratage. Il instaure toujours un décalage entre la réalité nouvelle et celle qui était escomptée, motivée qu’elle était par le désir de maîtrise de ce qui échappe, et qui reste à tout jamais forclos, quelles que soient les appropriations objectales imaginaires  dont chacun peut se targuer, pour participer au grand cirque de la funeste complétude, au détriment de la vie. (Jouir de la castration et du plus de jouir)

L’échappement fait échec à toutes les entreprises qui visent à le maîtriser en prétendant « réparer » le défaut fondateur des représentations. C’est ainsi qu’on appauvrit les effets du ratage, qui détermine l’enrichissement métonymique, afin de mieux métaphoriser la béance et son omniprésence. Le temps logique de la structure, à savoir l’omniprésence de la béance, troue les prétentions du temps chronologique qui, associées au bilatère, prisé dans les théories médico-psychologiques, met au jour leur caractère anté et anti-freudiens. La fonction signifiante, qui matérialise l’ordre symbolique, est congruente de la fonction paternelle de FREUD. Celle-ci met en évidence le fait que son élimination (impossible même dans les cas d’autisme)  se traduit en définitive par l’instauration d’une limitation  indépassable, rendant à leur vanité tous les actes qui visent à l’éliminer, comme celui de tuer. Elle confirme en fait que la mort de l’être (incorporation du signifiant/lettre) a déjà eu lieu et qu’il ne saurait y avoir de retour en arrière, quelles que soient les régressions mises en avant. Sur le plan symbolique, la négation, libérée par le meurtre symbolique, soutient  l’articulation signifiante et le processus de déconstruction/construction, toujours à l’œuvre dans l’existence (ex-sistence). La conjonction entre la négation et l’échappement impose à la vérité sa structure de « mi-dite » : il inaugure une dialectique, nourrie par un défaut irrémédiable, entre ce  qui est radicalement indicible et inarticulable et la diciblité variée et multiple qui en procède, sans qu’aucun terme final, exhaustif et achevé soit atteint. Cette raison freudienne que LACAN a fondée logiquement, est entravée par l’omnipotence de la raison classique, celle du moi et de la conscience, qui ne souffrent pas la négation  et  dé-dialectisent en  ne tenant aucunement compte de la tierce personne, c’est à dire de l’importance  de la troisième dimension(0=vide opératoire), dont l’efficacité et les effets procèdent de son absence même. Cette absence assure le nouage de cette dimension avec les deux autres pour  réaliser une dialectique particulière, moebienne, qui préserve la spécificité de chacune d’entre elles, tout en leur donnant une homogénéité globale, de sorte que si l’une d’entre elles se détache des autres, elles se retrouvent toutes les trois dénouées, sans attache. D’où le symptôme comme tentative de  les maintenir ensemble, vaille que vaille.

Si une institution  est présumée représenter une adresse pour ce dernier, et qu’elle même institutionnalise -comme fondement de ses pratiques- le discours du maître, doublé de celui de l’université, alors, le savoir se verra assigné à la fonction d’obturation de la signifiance en même temps qu’il renforcera l’hommosexualité sphérique qui y règne déjà. La promesse asservissante – impossible à tenir- de garantir la complétude narcissique, pour ceux qui la servent comme pour ceux qui s’adressent à elle, fige l’institution dans une conquête  de savoir sphérique qui anéantit le savoir inconscient (lettre), tout en  chronicisant le symptôme, désormais alourdi par une importante  charge iatrogène, très fréquemment déniée. Celui-ci s’aggravera d’autant plus que la structure subjective sera trahie par un surplus de savoir qui, faute d’être évidé pour retrouver le sens de la signifiance,  compromet gravement l’asphéricité  du symbolique et la démesure de cette dernière, qui articule ce qui est forclos et définitivement indicible à ce qui est sans cesse dicible. Dans un contexte institutionnel d’extermination du sujet, le symptôme « flambe », surtout lorsqu’on fait miroiter que le savoir dont on dispose, au lieu d’être livré à la désupposition, vient faire miroiter qu’il détient les moyens de  se procurer l’objet qui manque pour que la complétude imaginaire soit réalisée, au détriment du symbolique et de la structure subjective qui s’y opposent (transgression de l’interdit de l’inceste).Heureusement que personne, même au nom de l’amour idéal, et quel que soit le savoir mis en avant et la servitude volontaire qu’il suscite, ne procure, ni ne procurera jamais l’objet de la complétude narcissique et de la jouissance phallique, au risque de mettre à mort l’existence du sujet.

Si une institution dite soignante, dans laquelle le soin relève aussi de l’amour,  à l’image de ce qui se passe dans une famille, renforce la conception éducative familiale dans le sens du déni de la structure subjective, c’est l’aggravation de la « folie » qui se profile, notamment à travers l’irresponsabilité de « la belle âme ». Cependant, si éduquer consiste à élever(dans le sens ascensionnel notamment), cela implique l’impérieuse nécessité de subvertir tout semblant, qui  peut annihiler la négation qui le soutient : à savoir le sujet. Car il ne peut y avoir de semblant sans sujet !Ainsi, ce qui change, ce n’est pas la structure, mais la position qu’elle autorise et permet, laquelle position se concrétise dans un discours et une posture ou semblant, nécessaire à sa matérialisation et à sa saisie. Se séparer d’une posture, passe par la subversion du discours qui la porte, et par un exercice inédit de la  parole, en tant qu’elle est rapportée à la structure du symbolique  et à l’incomplétude qu’il engendre,  mettant dès lors en évidence la place de l’objet a (objet dont la perte est irrémédiable en tant qu’elle assoit le désêtre et cause le désir, qui ne fait accéder qu’à des objets métaphorisateurs, qui laissent toujours à désirer).

Ma tâche d’analyste-analysant consiste dans le travail clinique, comme dans le travail institutionnel, à ne rien céder sur la position issue de ce que je « désuis » constamment, afin de mener à bien la tâche subversive, protectrice contre les dérives idéologiques, néfastes pour le sujet. Elle consiste à « père-vertir » les perversions courantes, en ressuscitant sans cesse la présentification de l’absence, déjà incorporée grâce à l’aliénation signifiante, par tous et par chacun. C’est ainsi que la séparation prend toute sa valeur : elle n’a de sens que si elle favorise la littoralité, sinon elle participe à la psychotisation, par le renforcement de l’opposition bilatère, qui fait fi de « l’unarité » (unité fondée sur l’altérité qui divise et incomplète)).Cette dernière détermine par ailleurs le « mi-dit » de la vérité, qui impose le semblant comme une nécessité, car le vide qui le sous-tend, est et reste indicible.Le semblant métaphorise le vide fondateur ou la « béance causale », qui fait échec au savoir dont la logique entrave la raison freudienne : c’est le cas de la psychiatrie et de la psychologie, toutes  deux enfermées, comme discours (lien social) dans la raison classique, bilatère, hermétique à la littoralité spécifique à la structure signifiante. C’est pourquoi elles n’ont pas à être mises en concurrence avec le discours analytique, dont la structure représente une rupture épistémologique et un dépassement par rapport à elles, sans pour autant les anéantir, d’autant que leurs tendances totalitaires, qu’elles puisent dans la raison sphérique qui les nourrit, sont puissantes, selon les moments de l’Histoire. La raison classique, qui irrigue même des théories progressistes, reste  fondamentalement réfractaire à la béance  et à la littoralité, malgré tous les subterfuges idéologiques, plus ou moins pervers, utilisés pour faire passer la sphéricité pour de l’asphéricité (cf. les efforts vains de l’antipsychiatrie, voire de la psychothérapie institutionnelle).

Par la destruction progressive des productions imaginaires, dictées par le fantasme de chacun, et qui emprisonnent l’autre dans une image fantasmée à laquelle il est quasiment sommé de s’identifier, le transfert aide les enfants et leurs parents à mieux respecter la structure auxquels ils sont tous soumis, malgré leurs âges et leurs expériences. Cette destruction ardue implique l’abandon d’une position – permise malgré tout par la structure, même si elle la néglige- et la construction progressive des termes d’un choix nouveau, qui oriente vers de nouvelles lectures, soutenues désormais par un autre discours, dont la valeur provient dès lors de la libération de significations a priori, et prêtes à porter. Cette libération procède du recouvrement de la signifiance, qui contribue sans cesse à l’avènement de nouvelles autres significations, respectueuses dorénavant de l’écart induit par le symbolique(non rapport). C’est  précisément de cet écart que les idéologies psychanalytiques ou d’inspiration psychanalytique, n’ont rien à faire. Alors qu’il est au fondement même du discours analytique, auquel elles s’identifient sans vergogne, elles  bafouent sa structure, et partant son éthique, radicalement incompatibles avec les discours qui les déterminent et qui relèvent de ceux du maître et de l’universitaire, auxquels d’ailleurs s’accommode fort bien celui de l’hystérique, qui les alimente. L’intérêt de cette remarque ne tient pas au souci de dévaloriser ces discours, mais à celui  de respecter leur spécificité, pour que les passages entre eux et le discours analytique, ainsi que les conditions qui les permettent, soient élucidés. Chacun d’eux implique un lien social bien défini, lié à la place qu’il accorde à la subjectivité et à sa raison, dont la lettre parvient toujours à destination, parce qu’elle est portée quoi qu’il en soit, par tout parlêtre  qui a incorporé  le Père, et dont l’existence est désormais placée sous le sceau de la présentification de l’absence, même s’il en est  bien souvent oublieux, et en quête d’un savoir renforçateur de  cet oubli. (On n’oublie que ce que l’on sait ! Et le savoir bouche-trou dispensé par les alphabétiseurs experts n’anéantit pas le trou ou l’ex nihilo, même s’il pousse au nihilisme, stade ultime de l’ontologie mortifère).

AIDER LES ENFANTS ET LEURS PARENTS A PARTIR  D’UN DISCOURS QUI NE SERAIT PAS DU SEMBLANT (sans pour autant exclure le semblant nécessaire et radicalement différent du faire semblant)) :

Aider les parents revient à renoncer à un discours de la folie ordinaire (quête de complétude + enfermement dans le bilatère) pour qu’ils contribuent, à partir et grâce aux troubles de leur enfant, à ne pas l’y intégrer, mais surtout à l’en préserver, en réussissant à distinguer la réussite de différents projets existentiels, de la complétude, à laquelle ils sont et peuvent rester longtemps dépendants, par enfants interposés aussi bien. Le type d’amour qui leur est, en l’occurrence, voué est empoisonné, s’il consiste à les dresser (élever) à réaliser la complétude, que les parents ont convoitée et continuent de convoiter -confondant ce qu’ils veulent avec ce qu’ils désirent,- et qu’ils ont heureusement ratée, même s’ils ont « réussi » sur le plan social.

Ma tâche d’analyste (qui na rien à voir avec la psychothérapie, hermétique à la signifiance et au plus de jouir),  consiste à  susciter et à libérer toutes les élaborations, qui  rendront progressivement le symptôme bénéfique à tous (enfants, parents et institution). Elle  consiste  également, à partir  de  là,  à « élever »(ascension hors dressage) les parents afin qu’ils accèdent au non rapport que l’enfant met à l’épreuve dans ses séances, en  passant à un discours dont il connaît déjà la structure, à savoir celle de l’objet a, en tant qu’il est congruent à la structure signifiante. C’est parce que dans une institution dite soignante, le discord est censé avoir toute sa place, qu’il peut orienter la pratique clinique et thérapeutique, grâce à une  réverbération de la signifiance, avec laquelle s’installe une affinité élective. La valeur de la différence et du différend –tenant à la structure signifiante et traduits dans la parole- sont dorénavant mis au service de l’homogénéité familiale, désormais fondée sur une séparation, qui ne vaut que si elle sert à mieux lier, tresser, c’est à dire rassembler et nouer (borroméanité), pour garantir l’inachèvement de la créativité, inhérente au caractère fini de la structure signifiante. C’est ainsi qu’il est possible de renaître (re-n’être) à l’existence, en insistant sur la négation qui soutient la désupposition du savoir (dialectique déconstruction/construction), assise sur le non rapport. Les progrès de l’enfant à construire une réalité sur les décombres des anciennes, peuvent induire chez les parents les occasions de s’affranchir de certaines des leurs, fossilisées dans une rationalité bilatère qu’ils idéalisent au point qu’ils les prennent pour le nec  plus ultra de l’éducation, d’autant qu’ils les retrouvent chez des spécialistes de la réification, qui ne leur permettent pas (savoir bouche trou oblige) de considérer qu’il n’y a pas de signification, et donc de réalité, sans  signifiance. A la différence des conceptions idéologiques  qui déterminent  une kyrielle de psychothérapies, le but de la tâche analysante revient à détruire (pulsions de mort) des significations et à construire (pulsions de vie) d’autres qui, non seulement tiennent compte de la signifiance, mais la placent à leur fondement même, en respectant l’écart de toute réalité avec le réel, qui lui échappe et la dé-finit à ce titre. Aider à construire une réalité sur la base de l’abandon de l’illusion conjonctive du fantasme, et partant de l’échappement du réel, contre lesquels s’érige le symptôme, est une tâche qui va à l’encontre de la raison à l’œuvre dans les conceptions éducatives, dont le souci constant et majeur est  la transgression de l’interdit de l’inceste par la réalisation du rapport sexuel, dont  l’impossibilité est démentie et transmise ainsi aux enfants, lesquels doivent l’endosser et y répondre, d’autant que l’amour est mis en avant pour obérer les demandes explicites et implicites qui leur sont adressées.

La tâche de l’analyste  revient, à mon sens, à rendre le symptôme bénéfique à l’enfant et à sa famille, sans suggérer ni prescrire à celle-ci une quelconque thérapie. Il s’agit d’introduire, grâce à la prise en charge de l’enfant, du « discord », du différend et du différé, pour homogénéiser la famille autour de la structure signifiante, transmise par la fonction d’échange de la parole, que renforce le transfert. Ainsi, la séparation ne vaut que si elle permet de mieux lier, de mieux rassembler par l’abandon du déni du non rapport, qui est la pierre angulaire des techniques éducatives et pédagogiques. La séparation, sur le plan subjectif, correspond à l’abandon du mythe de l’unité comme totalité, et  au recouvrement de l’unarité en tant qu’elle permet au manque d’être et d’objet, d’enrichir l’existence subjective par le désir, qui en procède. Elle assure le passage du symptôme au « sinthome », celui-ci réalisant le dépassement de celui-là. (faire semblant (posture/imposture) ne se confond plus avec le semblant au sens de position subjective impliquant choix et responsabilité)

 Aider l’enfant à accéder au non rapport, et le soutenir face à la rigidité parentale, complique la tâche, et peut  déboucher sur l’abandon des progrès qu’il a pu accomplir  ainsi que sur la recrudescence du symptôme. Ses capacités de déconstruction/construction, favorisées par sa proximité de la structure et de la lettre, sont souvent mises à mal par les « fossilisations bilatères » des adultes, qui l’entourent et visent à lui imposer le nec plus ultra de l’éducation, aidés en cela par la cohorte des spécialistes de la réification débilitante, dans et hors les institutions prévues à cet effet. Ainsi, une incompréhension, aussi tenace soit-elle, ne relève pas d’une débilité constitutionnelle, mais bien de l’asservissement et de l’enfermement dans un discours dont la logique sphérique – à laquelle on a choisi d’être asservi- ne souffre d’aucune façon celle qui intègre celle de la tierce personne (Abarré) ou la présentification de l’absence (inentendable par ceux qui , « faussement » ne croient que ce qu’ils voient .)

Aider l’enfant à « renaître » en le libérant de toute préoccupation ontologique (ren’être), imposée par l’éducation parentale et scolaire (l’aliénation sociale refoule l’aliénation signifiante), s’appuie sur un discours qui, parce qu’il est fondé sur le non rapport et l’ex nihilo, met en évidence qu’il n’y a pas de signification sans signifiance, laquelle permet d’en détruire certaines et d’en construire de nouvelles qui l’incluent, à l’inverse et à l’encontre des conceptions idéologiques qui s’enferrent dans le déni du non rapport, excluant par là même la structure signifiante et son corrélat : l’objet a. Ainsi, la désupposition de savoir, soutenue par le non rapport inhérent à la signifiance, détermine le transfert et permet l’accès à l’existence subjective, dès lors que le sujet est ressuscité et peut désormais cohabiter avec le moi, selon une division qui fait valoir l’unarité (unité comprenant l’altérité : A) au détriment de l’illusoire unité (ontologie qui ne veut rien savoir de la subjectivité). Grâce à la parole, la tâche analysante, à laquelle est convié l’enfant, met en valeur l’inconscient en tant qu’il fait l’insuccès de l’amour contenu dans les diverses méthodes éducatives, qui lui sont imposées pour son bien, et qui procèdent du démenti  qu’elles opposent au  non rapport. Il n’y a pas à suggérer une autre méthode idéale, que ce soit dans le sens du rapport ou du non rapport, mais à s’appuyer sur la négation (par exemple à partir des conduites d’opposition), pour parvenir à considérer que n’importe quel rapport procède d’un non rapport essentiel qui peut le rendre caduque, mettant au jour  le fait qu’aucune conception ne parvient à  « incarner » en la fixant (réification) la négation qui détermine et engendre toutes les productions possibles. C’est bien pour cette raison que LACAN a pu avancer que « la psychose est ce devant quoi un analyste ne doit reculer en aucun cas ». A l’opposé des charlatans, adeptes du métalangage, qui font accroire au rapport, exclusif de la division subjective, le discours analytique tient, envers et contre tous les errements médico-psychologiques, que la structure subjective est achevée parce qu’elle est fondée sur le non rapport, et qu’à ce titre, elle est ouverte. Cette ouverture s’accompagne certes de fermeture, mais en aucun cas, elle ne signifie la fin du non rapport, fondateur de l’inconscient. La force négative de l’inconscient assure l’existence subjective et favorise la remise en cause de tout rapport irréductiblement dépendant de la signifiance. Il permet de ne pas tomber dans le piège du nihilisme (populisme totalitaire, fascisme…) qui menace tous les adeptes du métalangage, lesquels ne se remettent pas de leur déception quant à l’absence radicale et irrémédiable d’un objet de complétude, les laissant face à un désir intraitable, qui laisse toujours à désirer. Les « psys », alphabétisés en psychanalyse par la formation permanente et les réunions mondaines, préfèrent l’illettrisme et les conversions idéologiques à visée ontologique, grosses de dérives nihilistes, dès lors qu’ils se croient menacés par la non-identité à soi, pourtant fondamentale pour le discours analytique. C’est dire  combien la  rigueur de la tâche analysante est essentielle dans la lutte pour la défense du discours analytique contre  les attaques qu’il reçoit de la part de « psys » divers qui ne sont même pas aptes, du fait de leurs discours tellement ouverts qu’ils sont faits de bric et de broc, à considérer que la parole ne se réduit pas à la verbalisation, mais qu’elle consiste en une fonction d’échange assurant la réversion des interlocuteurs par la mise en jeu du temps logique, indispensable à  sa circularité moebienne, congruente de la signifiance. Il s’agit de la temporalité intemporelle (hors chronologie) du vide qui nourrit la négation spécifique de l’inconscient en tant qu’il transcende la notion par trop linéaire d’évolution. Quant à la parole, elle associe tout en différenciant les interlocuteurs : elle associe tout en distinguant et en séparant. Elle s’avère unaire en permettant à ces derniers de mettre au jour pareillement ce qu’ils peuvent concevoir  et penser différemment, à savoir le non rapport ou la signifiance qui témoignent de l’échappement du réel, valable pour tous, et saisissable seulement par métaphorisations, que toutes, ni aucune d’entre elles n’épuisent, puisqu’elles servent à mettre en valeur son immaîtrisabilité . Il s’agit donc de défendre ce caractère unaire de la parole, qui est oublié dans les discours  refoulant la subjectivité : « Qu’on dise (le dire), reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend.» (LACAN)

Toute critique procède de la mise en œuvre de la fonction signifiante, et n’a de valeur que si elle rappelle le dire. Elle devient intéressante lorsque ce qu’elle apporte comme nouveauté est au moins imprégné par la signifiance et appelle, de ce fait, à son propre dépassement, pour bien confirmer le ratage qui la fonde. Elle implique des lectures différentes qui, malgré leurs divergences, restent déterminées par la signifiance. Lorsque celle-ci est acceptée d’être prise en compte, alors le travail critique gagne en intensité et en intérêt : ces lectures sont nécessairement d’inégale valeur quant à la mise en évidence de l’énonciation. Elles renvoient toutes cependant à la signifiance en tant qu’elles mettent en jeu l’équivocité, l’ambiguïté et la polysémie, qui confirment la non identité à soi (« un signifiant ne peut pas se signifier lui-même ») et permettent de séparer la personne du discours qu’elle choisit de servir. Le rapport particulier qui relie l’énoncé à l’énonciation fait écho à la division subjective et à l’unarité qui atteint l’homogénéité en intégrant l’hétéros (C’est ce que n’a pas compris par exemple le professeur de philosophie et idéologue Alain FINKIELKRAUT). C’est pourquoi instituer une méthode de travail qui s’appuie sur la signifiance n’ a rien à voir avec l’institutionnalisation, c’est à dire la fermeture de la signifiance par  une organisation hiérarchisée et avide de pouvoir, qui n’a de cesse d’entraver le travail de destitution/institution propre à l’ordre symbolique, spécifique aux êtres parlants, très souvent oublieux de la béance qui les cause, et partant de l’inanité du pouvoir qui prétend en venir à bout. Bafouer la signifiance, issue de la structure signifiante, est le propre de toutes les institutions réifiées, qui pervertissent l’ordre symbolique  en le remplaçant par un ordre idéologique  qui le nie et ne supporte pas « la docte ignorance »,  préférant et valorisant la « passion de l’ignorance » et le rejet de la lettre. Mobiliser les pulsions de mort pour détruire et évider les symptômes d’une part, les mettre au service des pulsions de vie pour construire sur les fonds du ratage d’autre part, libère l’institution de la réification, qui devient d’autant plus mortifère qu’elle se croit capable d’anéantir la signifiance, sans laquelle elle ne peut vivre. En effet elle n’est elle-même qu’une métaphore momentanée de ce qui lui échappe tout le temps et fait la substance de la subjectivité. Comment pourrait-elle alors rendre compte de cette dernière si elle bafoue ce qui donne sa consistance au sujet, à savoir l’inconscient ?

Laboratoire du concept par la mise à profit de l’inachèvement, l’institution qui soigne ses rapports à la signifiance, gagnerait en « métaphoricité » si elle se refusait à faire obstacle à la métonymie qui l’engendre, et la concrétise sans pour autant l’objectiver, ni la réifier, c’est à dire la « pathologiser », dans le sens où elle dégrade la parole, qui met en jeu le réel, détermine le transfert et produit des effets sur toute organisation humaine (symbolique), comme la famille, par ex. L’enjeu capital porte sur la métamorphose de l’institution, en tant qu’elle devient,  par le travail de tous et de chacun, le lieu de la sublimation de la laideur, en parvenant à faire équivaloir le vrai au beau.(Cf. le séminaire « L’éthique de la psychanalyse de LACAN). C’est le cas du prodigieux  et prolifique PICASSO, qui est un modèle dans l’inachèvement créatif par la décomposition/recomposition, innovatrice et renouvelée. Autrement dit, le sujet rend le laid beau en témoignant de « l’incapturabilité » radicale et définitive du réel. Ce trait permanent, perpétuel, favorise l’émergence de formes diverses et nouvelles, qui le concrétisent et le masquent simultanément, tout en poussant à leur destruction, afin  qu’il soit mis en évidence par là même, au titre d’une structure indépassable. La tâche analysante, destructrice de toute réification, représente un acte de résistance contre la psychose sociale : elle recrée un lien social « extraordinaire », grâce à un discours inédit, doté d’une imparable logique de  mise en continuité (bilatère/unilatère/bilatère…), qui préserve l’articulation signifiante de toute dislocation psychotisante. Le défi consiste à être et à rester fidèle à la structure du discours analytique, en s’appuyant indéfectiblement sur elle pour déconstruire et renouveler ce qu’elle a pu engendrer, sans la renier ni la trahir, puisque l’échappement qui la caractérise ( objet a) en est la raison et le moteur essentiels, nécessaires à la production de réalités différentes, mais inégales quant à la place qu’elle lui accorde.

Il n’y a aucune pratique qui soit déliée d’un discours, en tant qu’il représente un mode de prise en compte de la structure et de l’articulation signifiantes. Sauvegarder la structure spécifique du discours analytique –tel que LACAN en a écrit le mathème – en vue de le démarquer des autres discours, passe nécessairement par « l’éthique du bien dire », qui est liée  aux places particulières réservées par la structure des discours. C’est pourquoi la psychanalyse ne peut  ni s’enseigner, ni inciter à  des conversions d’aucune sorte. Elle peut cependant transmettre l’essentiel de la structure du discours analytique, à savoir l’échappement du réel et de la vérité à partir desquels on déconstruit et construit des conceptions qui peuvent prendre enfin compte de ce qu’elles s’efforçaient de méconnaître jusque là : l’impossible, articulé à la présentification de l’absence (tierce personne). Cette dimension permet  de rompre avec les anciennes constructions en assurant un nouveau nouage avec les autres dimensions qui se voient redéfinies à partir du non rapport qui les articule désormais. Le « coup de génie » de FREUD, insaisissable pour les alphabétisés,  et les érudits qui demeurent illettrés, consiste à rendre compte scientifiquement de ce qui échappe à la science, à savoir le sujet et son corrélat : le manque dans l’Autre (S(A)), qui font défaut à la raison classique  et assurent, à ce titre, le progrès des connaissances scientifiques, soumises elles aussi à la structure signifiante. C’est ce projet qu’a poursuivi et fondé logiquement LACAN, et qu’il nous reste à poursuivre pour nous affranchir de l’humanisme xénopathique et xénophobique, tout en nous distinguant de ceux qui croient incarner l’être psychanalyste, acmé de l’infatuation moïque  et du pire.

« Le sujet de l’individuel, c’est le collectif »,  note LACAN . En effet, l’Autre induit l’Un qui fait le « nous », duquel appert la singularité du Je, lequel négative le moi, sans l’exclure ni l’anéantir, fût-il « haïssable ». Cette dialectique du sujet est fondamentalement opposée à la vision anarchiste et réactionnaire qui considère que la séparation doit promouvoir des individus autonomes et souverains, coexistant dans une indépendance totale. C’est à ce genre d’ineptie que certains illettrés veulent assujettir le discours analytique, ravalé au rang de supplétif du discours capitaliste, organisateur du marché de dupes autour de la démocratie libérale, modèle absolu du déni du non rapport. Aucune pratique, aussi empirique soit elle, n’est autonome ou indépendante d’un discours qui la détermine et l’étaye, que ce soit de façon manifeste et/ou latente.

Agir en psychanalyste  pour mieux le désêtre, revient à rendre compte de sa pratique, de ses raisons et de ses effets. Cela consiste aussi à faire la preuve en acte de l’aliénation signifiante en tant qu’elle fait échec à toute prétention ontologique : désêtre sans cesse ,quitte à décevoir, sert à approfondir les concepts de la psychanalyse et à affiner leur tranchant afin qu’ils puissent très difficilement être récupérés  par des idéologies  psychiatrico-psychologiques et anthropologiques, qui n’ont rien à voir avec les hypothèses théoriques de FREUD, destinées à être mises à l’épreuve dans et par la pratique inédite de la parole, pour leur éviter de se dégrader en prescriptions  préjudiciables à la tâche analysante. C’est en se positionnant de la sorte que la fonction signifiante est favorisée , au bénéfice de la négation propre à l’inconscient. L’abandon définitif de la quête ontologique prédicative est censé avoir été atteint par la cure de ceux qui se décident à agir en psychanalystes. D’où l’épineuse question de la passe que se posent tous ceux qui souhaitent rendre compte sérieusement de la pratique analytique, de  ses raisons comme de ses effets, alors qu’elle n’effleure même pas les idéologues anti-freudiens de tout poil, pour lesquels la raison asphérique  ressortit à un entendement auquel ils sont hermétiquement réfractaires (un des effets de l’illettrisme).

Défendre la psychanalyse comme discours, c’est s’expliquer sur l’acte  qu’elle rend possible et qu’elle conduit à soutenir sur la base du primat du symbolique, c’est à dire du signifiant, qui met un terme aux  funestes confusions entre réel et objectivité (au nom du réalisme), toxiques pour le savoir inconscient, c’est à dire  pour la lettre, en tant qu’elle met en évidence le « troumatisme » et le refoulement primordial, essentiel à  l’existence subjective,  malgré les  détours  névrotiques, pervers et psychotiques, témoignant des difficultés à admettre la faille, la béance de la structure, à laquelle les idéologies contreviennent , à l’image des symptômes. Si l’inconscient permet au moi de n’être plus maître  d’un lieu qu’il s’est approprié, il le rend en plus responsable de ce qui lui arrive , même s’il clame ne pas l’avoir voulu. Cette position éminemment éthique est caractéristique du discours analytique. Elle se détache et se démarque fondamentalement de la morale et de la belle âme qui l’alimente, et qui s’ingénie à se trouver tous les boucs émissaires possibles et imaginables, pour se disculper et assurer la paix de ceux qui s’accolent à elle.

Des  idéologues, très alphabétisés en psychanalyse adaptée à la formation continue, réussissent heureusement à nous montrer leur illettrisme, lorsqu’ils assènent et martèlent leur attachement au « réalisme objectif », alors que le signifiant  -plus précisément sa structure- s’y oppose catégoriquement et sans réserve. Les inepties qu’ils profèrent, laissant accroire qu’elles proviennent du discours analytique, procèdent en vérité du pervertissement et de la dégradation bilatère qu’ils infligent à ce dernier,  qu’ils s’approprient au point de croire qu’ils l’incarnent, usant pour ce faire de toute une panoplie de postures, favorisant les identifications imaginaires et les mimétismes tragi-comiques. Ceux qui ne veulent rien savoir de l’inconscient, parce qu’ils tiennent par dessus tout au rapport sexuel, trouvent auprès de ces idéologues des  formateurs-alphabétiseurs, avec lesquels ils partagent   « la passion de l’ignorance » et la haine de l’altérité. On a eu l’occasion d’en voir certains face à Michel ONFRAY, qui, aussi embourbés que lui dans la logique classique, ont été incapables de faire valoir la dimension que méconnaissent les discours du maître et de l’universitaire, et qui est déterminante pour le discours analytique, à savoir le réel entant qu’il assure la présentification de l’absence et soutient la fonction signifiante, afin d’accéder à la littoralité , inconcevable pour la fixité bilatère, alors  qu’elle est  caractéristique de la raison freudienne , capable de mettre en continuité et d’homogénéiser globalement ce qui est différent localement (hétéros). Ainsi, la singularité n’est plus confondue avec l’individualité solipsiste et béate, voire débile. Elle permet de sortir des ornières de la ségrégation et de la xénopathie,  contenues dans ces escroqueries sanitaires, qui aggravent la psychose sociale en s’institutionnalisant et en utilisant tous les pouvoirs octroyés par l’ordre social pour anéantir l’inconscient, sans lequel d’ailleurs la conscience dépérit. Les non dupes de l’inconscient, c’est à dire les canailles et les débiles, pillent le  corpus analytique pour vider le discours analytique de sa substance et restaurer les discours  qui font la part belle à la mégalomanie et à l’hypertrophie du moi, en même temps  qu’ils accentuent le malaise de la civilisation, associé à celui de chacun.

Prendre position, s’y tenir en fondant en raison son choix, fait partie intégrante de l’acte analytique, qui, à défaut  de penser pour le souffrant  et faute de panser sa faille, favorise le « bonheur(t ) », en articulant cette dernière à la signifiance. C’est parce que la conscience (le moi) le contient, que l’inconscient est mis en évidence grâce à cette position, qui met en œuvre un principe induit par l’unarité : pas de moi sans l’inconscient, quelles que soient les bévues produites, et qui visent à exclure cette logique asphérique ou unilatère, insupportable aux adeptes de l’humanisme, nourricier de la psychose sociale. En effet, tous les jours, on assiste au déversement de tombereaux d’inepties à propos de la filiation, de l’origine, de l’identité, etc. Le bric-à-brac psychiatrico-psychologique, malgré l’affichage ostentatoire de son humanisme béat , alimente les théories  consensuelles, grosses de ségrégation, voire de racisme, d’autant qu’elles sont soutenues par des secteurs de la science, comme certaines franges de la biologie, pour exclure la division subjective et accentuer la débâcle psychotique, encore plus dominante et encore plus oppressante, au service du capitalisme et de sa réification mortifère. Dénoncer sans cesse les impostures  théoriques, qui imputent au discours analytique ce qui n’a rien à voir avec sa structure, mais qui provient de ses dégradations et pervertissements idéologiques, lesquels prétendent s’identifier à lui, fait partie de l’acte analytique.  Maints idéologues pragmatistes, qui se croient psychanalystes, aspirent à être reconnus par les maîtres de la doxa anti-freudienneet contribuer en retour à l’oppression totalitaire, issue des idéologies de la modernité, qui promeuvent la « démocratie libérale » et l’autonomie individuelle, sous couvert de défense de l’inconscient, qui n’a fondamentalement rien à voir avec elles. (Cf. le fameux « groupe de contact » qui a fini par inclure la psychanalyse dans le « pot-pourri » des psychothérapies, et tout dernièrement, la prise de position publique de la revue de psychanalyse « Insistance » pour soutenir la candidate (écologiste) qui a rallié le camp des « conservateurs », à l’occasion des élections présidentielles du Brésil. L’affaiblissement du discours analytique par ses prétendus défenseurs, qui veulent l’adapter aux canons de la modernité, sous prétexte de le répandre sur la planète, rejoignent la débilité de la doxa dominante : ils régénèrent la vieille psychologie essentialiste, à visée ontologique, par le pillage du corpus conceptuel de la psychanalyse. C’est ainsi qu’une Elisabeth ROUDINESCO nous conseille des « cures brèves », pour nous conformer à la modernité et à ses chefs de file qui, au lieu de désêtre en étant les dupes de l’inconscient, « d’hommestiquent » ce dernier pour l’adapter à la seule « norme mâle », omnipotente, dont les effets sur le plan théorique, se manifestent à travers nombre de confusions, comme celle qui règne entre unité et totalité. Faute de penser « freudiennement », comme nous l’a enseigné LACAN, en mettant à notre disposition le concept d’unarité, qui ne conçoit aucunement l’harmonie collective dans la réciprocité  entre individus autonomes et souverains, mais envisage de séparer et de distinguer localement , à partir de l’irréductibilité de la division subjective, pour nouer de façon moebienne et assurer ainsi une homogénéité globale, qui inclut constamment l’hétérogène, les dérives pathogènes de l’institution deviennent non seulement fréquentes, mais se chronicisent dangereusement pour apporter une réponse thérapeutique correcte et satisfaisante à ceux qui la sollicitent en tant que pourvoyeuse de soin.

Tenir compte de la division subjective n’est pas un slogan ou un mot de passe pour reconnaître les siens. En tenir compte, c’est alimenter en analyses et en élaborations théoriques diverses les tensions, qui font disensus, pour que la conflictualité consensuelle progresse en même temps que l’institutionnalisation régresse. La convergence consiste à rapporter chaque approche différente à ce qui l’autorise, à savoir la structure signifiante, dont le primat, s’il est respecté, peut nous faire gagner en désêtre, afin que le plus de jouir imprègne notre pratique, et la rende sensible à la lettre, comme marque, comme trace ineffaçable du non rapport, issu du refoulement primordial et de la forclusion de das ding (la Chose). C’est à partir de cette base solide (consensus) qu’il est possible de reconstruire sans s’enfermer dans les restaurations d’anciens discours,lesquels s’avèrent  toujours  au service de cette folie qui consiste à se décharger de la responsabilité des conséquences et des effets de sa parole. C’est celle-ci qui permet à chaque être parlant, pour peu qu’il se respecte en tant que tel, de remarquer qu’il  peut être parlé, qu’il dépend dès lors d’un Autre, soit l’inconscient, dont il n’est d’aucune façon maître, quelles que soient les parades (symptômes compris) qu’il met en place pour le refuser. L’institution dite soignante n’est digne de cette qualification, que si elle ne participe pas à la mascarade, organisée par certains de ceux qui lui assignent la tâche d’avaliser leur « fausse » identité, perdus qu’ils sont dans une quête ontologique, vaine et compromettante pour les objectifs thérapeutiques. Rassurés quant à leur(s) postures-parades contre l’inconscient, ceux-ci poussent au détournement de l’éthique du soin en pervertissant l’inaptitude structurale à être (impossible) et en faisant obstacle à l’avènement de la subjectivité en tant qu’elle est garante de l’existence.  L’organisation groupale et la « colle imaginaire » aidant, la notion d’équipe (disensus/consensus) est battue en brèche, et au lieu de la violence symbolique qui est censée se concrétiser par la destruction des conceptions des uns et des autres, ce sont les attaques personnelles qui prennent le pas et accentuent la mise en échec de la prise en compte de la signifiance et de l’insaisissabilité du réel, facteur d’incommensurable, d’incalculable et inducteur de l’indécidable, inhérent au ratage.

Ceux qui ont  eu à évider leur fantasme  dans le cadre de leur cure, en même temps qu’ils ont eu à évider les constructions et autres théories qu’il les a incités à épouser, peuvent témoigner que l’échec de l’intention consciente assure le succès de l’intension subjective, conférant à la parole sa valeur d’acte, qui  engendre un réel  nouveau, dont l’échappement et l’insaisissabilité  permettent de déconstruire des réalités, et de leur apporter des modifications et des nouveautés,  associées à  l’advenue du sujet. Ainsi, si l’échappement est commun, sa prise en compte et sa restitution (toujours métaphorique) sont différentes, particulières. C’est lorsque la métaphorisation  rendra compte de la métonymie , en la nommant sans prétendre y mettre un terme – qui l’achèverait -, que la singularité (rapport identité/différence) pourra être préservée .

Amîn HADJ-MOURI

Octobre 2014

Réponse à une remarque

 

Cher Jean SIBEUD,

 Je te remercie de t’être fait « l’avocat du diable » en adressant oralement à mon texte, que tu n’avais pas fini de lire, une remarque, que je résumerai ainsi : en dénonçant comme tu le fais le discours du maître (DM), est-ce que tu ne tombes pas toi même dans son piège, dans le travers que tu dénonces ? Autrement dit, est ce que tu ne prônes pas le D.M, sans t’en rendre compte ?

Je traduirai cette remarque en problème logique, qui permet d’en finir avec la vulgate lacanienne, laquelle prend le DM en mauvaise part, de façon complètement imaginaire, au point de non seulement de le disqualifier mais aussi de l’éradiquer. D’ailleurs le voudrait-on, qu’on se heurterait inévitablement à un impossible, puisque le discours analytique (DA) en procède. Le DA le subvertit en l’évidant, à partir des éléments et arguments qui le composent et qu’il contient (retient), en lui rappelant ce qu’il oublie et méconnaît : le vide qui le fonde, et qui est inhérent à la fonction signifiante, dont il ne peut se départir quelle que soit son hégémonie.

Ce vide n’est rien d’autre que l’écart que le signifiant impose dans ses rapports avec le signifié, par lequel se produit ce qui échappe et qui reste hors de portée, quoi qu’on fasse. Il y a certes des matérialisations qui donnent corps à l’échappement. Mais elles n’y mettent pas fin. Elles concrétisent seulement le mouvement inexorable de ce qui reste immaîtrisable, et dont on a les traces (matérielles).

Rappeler et soutenir le propre du DA, c’est à dire sa spécificité qui met l’accent sur le vide, et n’en démord pas est une question d’ordre éthique, qui tranche avec la mièvrerie ambiante, où tout équivaut à tout, pourvu qu’il s’agisse du tout. Si FREUD a assimilé sa découverte à la révolution copernicienne, et l’a défendue bec et ongles, même contre ses plus proches élèves – comme JUNG-, c’est bien pour protéger l’inconscient (« sa peste ») des assauts de la logique classique et de toutes ses idéologies, qui sans être exclues, sont à l’image de symptômes névrotiques, en tant que constructions-manifestations nécessaires à la démonstration du malaise qu’engendre le défaut, corrélatif du vide. La résolution de FREUD et son acharnement à fonder plus avant le concept d’inconscient, bien souvent confondus avec de l’autoritarisme, ont permis qu’un LACAN poursuive dans sa veine , et nous « immunise » contre l’ego-psychology, qui faisait rage, avec la collaboration d’Anna FREUD, d’ailleurs.

L’histoire des sciences est assez riche et instructive à cet égard : il n’est qu’à voir les attitudes et positions d’un GALILEE, comparées à celles d’un Giordano BRUNO). Par ailleurs, l’histoire du zéro dans l’évolution des êtres parlants nous montre bien que, même si personne ne conteste aujourd’hui, son existence et sa fonction, il n’en reste pas moins que certains l’utilisent dans une logique binaire (informatique par ex) et d’autres le « subliment » pour inventer Rosetta et Philae. Ces « exploits » confirment par là même l’inconscient, car sans la fonction signifiante , c’est à dire l’opérativité du zéro comme vide, elles n’auraient pas vu le jour. Cela ne suffit pas pour autant, car leur succès participe à l’émergence d’un discours (du maître) qui oublie et méconnaît, voire refuse de prendre en compte ce qui les a engendrés. Heureusement que ceux qui le tiennent, rajoutent que l’infini et l’indéfini persistent et perdurent. N’est ce pas là une belle illustration de l’inconscient au sens freudien, pour lequel il vaut la peine de se battre !

Comme les discours, dont LACAN a écrit quatre mathèmes auxquels il a ajouté celui du capitaliste, ressortissent à son travail, qui vise à fonder la découverte freudienne pour en consolider la logique, il serait simplement utile de rappeler que le DA est l’envers du DM. Alors que dans le DM, l’objet a est en place de produit, dans le DA, il est en place d’agent. Cette différence fondamentale fait qu’ils ne peuvent être confondus, si tant est qu’on soit sensible à la topologie du sujet. Ces discours sont dans un rapport caractérisé par le fait que l’un ne va pas sans l’autre, même si l’un et l’autre impliquent deux logiques différentes, dont l’opposition est dépassable : toutes les deux partagent le même vide fondamental, dans lequel elles s’enracinent : l’une a tendance à l’oublier et en forçant , finit par montrer ses limites et son malaise, et l’autre ne cesse pas de le lui rappeler, sans l’exclure, mais « sans lui faire de cadeau », qui plus est empoisonné !

Le discours de la conscience, celui qui est tenu (et qui tient) par le moi, privilégie la logique classique (bilatère/sphérique) pour refuser l’inconscient (unilatère/asphérique), qui, lui, n’exclut pas cette dernière, mais l’ébranle et la subvertit en lui rappelant ce qu’elle oublie et qui la fonde, tout en lui échappant. C’est cette logique qu’il ne faut en aucun cas lâcher, quelles que soient les polémiques stériles, qui préfèrent l’hégémonie du moi, que vient contrer le symptôme, en faisant échec à la suture du vide, qu’il met au jour tout en le dénonçant. C’est pourquoi, les tenants de la « folie de la guérison » s’acharnent sur lui, et vont jusqu’à saturer la suture, au risque de l’aggraver et de le chroniciser. Pour éviter les confusions les plus graves, conséquentes au choix d’un discours, correspondant à une position subjective, pour favoriser les éclipses et les ellipses du sujet, rien ne vaut une sérieuse cure (analytique), qui assure d’être à côté des pompes, dont la logique sphérique nous chausse, pour nous « faire tourner bourrique » !

S’affranchir du DM, (qui n’est pas anéantissable) ne consiste pas à « faire du chiqué » en annonçant par exemple qu’on n’a pas réponse à tout, ou qu’on ne peut pas prétendre à l’exhaustivité. Cette posture de modestie est feinte et fausse : se servir du DA, qu’on sert par là même, consiste en vérité à mettre en œuvre fidèlement sa structure, qui promeut le « pastout », corrélatif de la fonction signifiante, engagée dans n’importe quelle élaboration. Et c’est cela qu’il ne faut pas concéder, ni brader, sous aucun prétexte !!!! Car, comme le spécifie bien LACAN, le discours est un lien social. (Cf.Télévision)

 

Amîn HADJ-MOURI

08 décembre 2014