Il n’y a pas d’éthique sans radicalité du discours analytique !

Il n’y a pas d’éthique sans radicalité du discours analytique !

Ou quand on a « les portugaises ensablées », le baroque n’est pas à la fête.

 

Je réponds ici à une interpellation provenant d’un collègue de Dimpsy, lors de la réunion de la Lysimaque du dimanche 17/01/16. Il me laissait entendre que certains de mes écrits, si je l’ai bien compris, pouvaient passer pour radicaux, et partant terrorisants, voire terroristes. Comme nous en avons convenu ensemble, j’attends son ou ses écrits à propos de cette interpellation.

J’anticipe le débat en me demandant qu’est ce qui permet d’associer radicalité et terreur, à l’heure où la radicalisation a mauvaise presse, au sens où elle devient synonyme de terrorisme, de ségrégation avec élimination physique ?

Pour se prémunir contre l’inhibition intellectuelle, liée au coinçage dans un raccourci qui confond radicalité d’un discours et radicalisme idéologique, il s’agit de préciser en quoi ce «  qui a rapport au principe d’une chose » (Dictionnaire étymologique de Bloch et Von Warburg), se distingue fondamentalement de l’adhésion fanatique à une conception, qui croit avoir résolu cette question en la refoulant, engendrant par là même un fanatisme mortifère (jouissance totalitaire). En effet, la radicalité renvoie à la racine et à l’enracinement/déracinement. Et , s’il est un discours qui rompe avec les sornettes identitaires, pour affirmer contre vents et marées, l’enracinement signifiant irréductible de l’être parlant, c’est bien le discours analytique, si tant est qu’on l’invoque pour mettre en évidence et ne lâcher d’aucune façon ce principe essentiel. Aussi, si certains textes apparaissent comme terrorisants pour certains, c’est vraisemblablement parce qu’ils mettent au jour chez eux cette outrecuidance, qui consiste à masquer le pervertissement du discours analytique derrière une « victimisation » de mauvais aloi. « …L’homme pense débile, d’autant plus débile qu’il enrage … justement de s’embrouiller. » (LACAN. Lettre de dissolution de l’EFP.1980).

 

La radicalité du discours analytique procède du tranchant des concepts qui le constituent et déterminent une pratique donnant lieu à un acte dont le type de coupure qu’il génère, fait horreur. C’est ce qui explique à mon avis les différentes tentatives qui, sous prétexte de faire évoluer la psychanalyse, finissent le plus souvent par émousser le tranchant des concepts pour l’adapter à des conceptions idéologiques dont la prétendue ouverture se résume en vérité à la fermeture du principe essentiel : le primat du signifiant. S’appuyer sur ce principe en ne le lâchant d’aucune façon, correspond certes à une position radicale. Mais elle s’avère indispensable pour l’acte analytique dont l’horreur provient de ce que la fonctionnalité du vide (objet a en place d’agent dans le D.A) est ruineuse pour toutes les illusions qui empêchent l’advenue de la signifiance afin de constituer et de renforcer des écoles/colles groupales bien adhésives, voire bien bétonnées.

 

Les inflexions qu’on veut infliger au D.A existent depuis la naissance de la psychanalyse (cf. la critique par JUNG de « l’autoritarisme » de FREUD, qui a –heureusement pour nous- défendu jusqu’au bout la radicalité des concepts qu’il a construits). Elles continueront faute d’approfondissement de l’évidement qui, en mettant en avant l’aliénation symbolique, non seulement permet le décentrement, mais aussi la levée de la confusion de celle –ci avec l’aliénation sociale, qui fait tout pour que le défaut de rapport sexuel, inhérent à l’ordre symbolique, soit forclos. Ainsi, les critiques et les déconstructions de conceptions qui véhiculent explicitement et implicitement cette tendance, sont loin d’être équivalentes entre elles : si certaines font valoir le primat du signifiant, d’autres par contre, n’en tiennent aucunement compte. Il va sans dire que les effets en sont fondamentalement différents : le refoulement, au mieux, de l’aliénation symbolique favorise l’aliénation sociale en tant qu’elle met à mal le sujet. Et ce n’est pas parce que celle-ci incite à l’excès extensionnel, sous forme d’une accumulation de savoir à visée obturante, qu’elle favorise l’ouverture. Au contraire, c’est la radicalité du principe et de la structure signifiante qui permet de considérer que ce n’est pas uniquement la multiplicité des conceptions bilatères qui est importante pour accéder à l’ouverture, mais bien la manière dont chacune s’organise pour intégrer la dimension qui lui échappe, et ainsi faire valoir l’unilatère. Si tant est que ce dernier représente pour certains, une dimension essentielle du D.A., d’autres, qui s’échinent à trouver pour leurs semblables, grâce à la psychanalyse, des attributs, des prédicats qui les complèteraient tant, si bien qu’ils achèveraient le sujet, comme négation, pourtant indispensable au moi.

 

La radicalité du D.A ne requiert pas de dogme établi, voire préétabli, puisque le vide appelé à être fonctionnel, concerne ce qu’il engendre sous des formes concrètes, qui en s’accumulant, finissent par l’oublier. La radicalité doit être intense pour que l’échappement fasse lien et mettent en échec les dupes de l’objectivité, qui errent et font mal au sujet ! Ils participent aussi bien à l’édulcoration du D.A en dévaluant le « discord » qui garantit la singularité et contribue à l’organisation d’un collectif intégrant la radicalité de la structure du symbolique en tant qu’elle permet la mise en continuité de ce qui apparaît dans un premier temps opposé et distinct, et identique dans un temps ultérieur. Cette dialectique dépasse les questions liées au rapport entre le particulier et l’universel pour mettre en évidence la singularité, inconcevable, impensable sans la littoralité. Et c’est avec et grâce à cette radicalité que certaines questions s’éclairent en mieux se formulant,et partant en rompant avec les spéculations psychologiques qui se font passer pour des élaborations psychanalytiques, parce qu’elles usent de quelques concepts analytiques, très souvent, en opposition avec la logique du discours analytique. Heureusement que la radicalité de l’asphérique peut terrifier, voire terroriser la ferveur du totalitarisme sphérique, que promeuvent et préservent nombre de groupes et d’associations d’analystes, pour protéger leurs affidés, des tâches d’évidement du sphérique, qui n’existe que parce qu’il est déterminé par l’asphérique. La radicalité qu’appelle et qu’implique le discours analytique porte sur l’inépuisable écart entre le signifiant et le signifié, lequel contribue grandement à bien formuler une problématique, d’autant que cet écart corrobore le statut de la vérité, qui échappe à tout savoir et le met en échec s’il prétend s’identifier à elle. Elle ne tient que par la plurivocité et la pluralité des pratiques, à la condition que celles-ci n’oublient pas le même fondement signifiant qui les rassemble et les détermine. La radicalité ne saurait être identifiée au radicalisme idéologique sphérique et univoque, qui fait barrage à tout rappel de la structure du symbolique, qui le « troumatise », et partant le terrorise. Aussi, critiquer, par exemple, le capitalisme depuis l’aliénation symbolique n’a rien de commun avec une critique qui reste sous le joug de l’aliénation sociale que ce système génère et consolide. De même, on peut se demander pourquoi la radicalité de l’unilatère effraie-t-elle tant les conceptions bilatères, qui font semblant d’ouverture alors qu’elles s’organisent autour du rejet de l’asphérique ?

 

Toutes les radicalités ne sont pas équivalentes : celle d’une extension (S2), déliée de l’intension (S1), ne vaut pas celle d’une autre extension (S2) qui accorde toute sa place à S1 comme la déterminant. Ainsi, radicaliser la signifiance ne consiste aucunement à radicaliser n’importe quelle extension, quels que soient les atours trompeurs dont elle se pare. Aussi ne faut-il pas craindre les jugements de valeur qui font fi du travail critique effectué, plus contraignant et respectable, mais qualifié/disqualifié de radical, parce que terrifiant et terrorisant pour quantité d’imposteurs, unis par une même idéologie, qu’ils cherchent à faire passer pour le discours analytique, réduit au rang de « bonne à tout faire » de la psychiatrie et de la psychologie, qui ne souffrent d’aucune façon la subjectivité et sa logique spécifique, radicalement inadaptées à l’entendement que celles-ci mettent en œuvre, sous la forme du discours médico-psychologique, non seulement hermétique à la moebianité requise par l’inconscient, mais surtout capable, par son impact socio-économique, de tenter d’éradiquer celle-ci, pour mieux renforcer l’aliénation sociale.

La subversion opérée par l’inconscient est radicale, au sens où elle nécessite un autre discours, dont la structure est fondamentalement différente, mais non exclusive. Le discours analytique n’exclut pas celui du maître qui convoque la médecine et la psychologie. Mais il ne doit pas être « colonisé » par celui-ci qui peut aller jusqu’à s’identifier à lui, alors que leurs fondement et entendement sont essentiellement différents.

 

Cependant des passages existent entre eux. Ils confirment par le dépassement qui a lieu qu’aucun amalgame n’est possible. L’évidement qui est à la base du dépassement accorde au vide une place et une valeur fonctionnelle qui spécifie désormais –de manière radicale- le discours analytique. A ce propos, il est possible de recourir à une analogie qui a eu lieu dans le domaine scientifique. Le dépassement effectué par GALILEE sur ARISTOTE, quant à la chute des corps en fonction de leur poids (une pierre et une plume), ne s’est produit que parce que ce dernier avait méconnu la résistance de l’air et ses effets. La prise en compte de ce facteur antérieurement oublié, ne procède pas de la volonté de Galilée de « faire la leçon » à ARISTOTE mais de sa résolution à mettre en œuvre un autre entendement, qui a d’ailleurs permis à NEWTON, plus tard, d’écrire la loi de la gravitation, toujours en vigueur.

 

A chaque fois qu’il y a dépassement et passage d’un discours à un autre, le progrès réside en fait dans le passage d’un sens qui rejette la signifiance, alors qu’il la contient, à un sens nouveau qui, lui, va l’intégrer et la comporter désormais en son sein.

S’il est impossible de dogmatiser le souverain vide, il s’agit surtout d’y tenir et de le maintenir fermement, en le mettant en fonction et en évidence, à partir des constructions qui le contiennent en tant qu’il les détermine et impulse leur dépassement par évidement et décentrement, vécus comme « troumatisants » par le moi, dont l’omnipotence se voit menacée. La radicalité se met au service du passage des S2 à S1, et partant de nouveau à S2, selon la dialectique spécifique que l’inconscient imprime à l’articulation entre la conséquence et l’antécédence (temporalité spécifique de l’entendement de la psychanalyse).

 

La radicalité vise un objectif majeur, capital pour l’éthique de la psychanalyse, que FREUD a abordé dans son plaidoyer pour une analyse laïque. Il consiste à libérer la subjectivité des « griffes » hégémoniques, voire tyranniques du savoir médico-psychologique, et de l’affranchir franchement de l’entendement que lui impose celui-ci. Le pervertissement qui s’ensuit se manifeste à travers, entre autres, des enfumages idéologiques qui dégradent les perturbations, les coinçages et les difficultés liées à l’existence subjective, en « maladies », appelant une guérison, bâtie sur le même modèle que celui que préconise le médecine, et auquel se conforme la psychologie sous toutes ses formes.

 

Une tâche essentielle et impérieuse consiste d’abord à libérer le discours analytique, grâce à sa structure, écrite sous forme de mathème par LACAN, et le défendre ensuite contre toutes les tentatives de récupération que tentent, sans relâche, les idéologies médico-psychologiques, prôneuses d’une aliénation sociale, redoublée et renforcée en vue de réduire au silence l’aliénation symbolique, elle, promotrice de l’incomplétude, corrélative du vide structural irréductible. Face à ce dernier, l’aliénation sociale soutient le moi dans ses efforts de « négocier » et de « monnayer » le défaut de rapport sexuel avec des conceptions qui font miroiter l’édulcoration des effets de cette absence, dont la radicalité se trouve démentie, au détriment du sujet.

 

Défendre la rupture épistémologique, accomplie par le discours analytique, qui réserve à l’objet a la place d’agent, ne peut de faire sans adopter de position radicale, laquelle insiste constamment sur le primat du signifiant, vite oublié , d’autant que les fascinations imaginaires restent toujours actives. Refuser de lâcher le primat du signifiant et toutes ses conséquences épistémiques et méthodologiques, permet aux autres discours de se caractériser, et partant d’entrevoir des possibilités de coopération entre eux. Faire croire, par exemple, que le discours médical, rivé et arcbouté sur le symptôme comme signe, peut s’identifier au discours analytique, dès lors qu’il suffit d’emprunter un ou deux concepts analytiques , relève d’une imposture intellectuelle, qu’il s’agit d’éventer, sans pour autant idéaliser ni absolutiser la psychanalyse. Il s’agit de faire pièce à des tentatives réellement totalitaires qui se cachent derrière des amalgames théoriques, mettant en avant des raisons éclectiques, sur fond d’œcuménisme et de pragmatisme.

 

Accorder le primat au signifiant comme fondement de toute réalité, pour soutenir la radicalité du discours analytique, permet de montrer que l’exclusive et le totalitarisme sont battus en brèche dès lors que le signifiant met en évidence le réel comme impossible, lequel est à la base de toutes les constructions symboliques, aussi bien celles qui le respectent que celles qui, dominées par l’imaginaire, convoitent sa mise à bas et sa déroute.

Parce que la subjectivité n’est aucunement une affaire médico-psychologique (entretien des cultes de la personnalité), la radicalité en psychanalyse est, et reste au service de la fonction signifiante, qui rend opérant le vide. Il n’y a alors place ni pour le dogmatisme, ni pour l’exclusive. L’objectif reste l’ouverture de brèche(s) dans les extensions afin que la signifiance (re)gagne sa place en tant qu’elle détermine « silencieusement » et implicitement celles-ci, qui lui opposent un refus de savoir, inhibant la parole pour qu’elle ne la libère pas.

 

La radicalité concerne l’intension ou la signifiance, qu’il s’agit de faire valoir, d’autant plus qu’elle est implicite, et subsume à ce titre toutes les extensions qui, même si elles en procèdent, ont tendance à l’éradiquer. Elle n’a pas besoin de se draper dans une tolérance factice et tapageuse, dont raffolent des cohortes de convertis…à la psychanalyse, ravalée au rang de religion. Certes, cette radicalité peut être effectivement terrorisante, lorsqu’elle met au jour les impostures intellectuelles, qui consistent à refuser de savoir la fonctionnalité du vide, tout en mettant en avant des artifices « psychanalytiques » pour mieux consolider une objectivation et une réification, exclusives du sujet (cf. la psychothérapie institutionnelle).

 

L’éthique du discours analytique n’a pas besoin de rodomontades et de fanfaronnades de tolérance, puisque toutes les constructions, sans exception, sont des extensions issues de l’intension, qui présentifie ainsi son absence déterminante. D’où la corrélation avec la fonction paternelle telle que l’a théorisée FREUD.

 

Le combat mené contre ce fondement radical de la psychanalyse est orchestré par des idéologues de la tolérance, inquiétés par l’équivocité signifiante et en quête de sens garantis par des savoirs « objectifs », c’est à dire affranchis du signifiant et de l’écart irréductible qu’il instaure et renouvelle sans cesse, d’avec le signifié. La destitution de l’illusion ontologique, comme la castration symbolique, terrorisent les adeptes du substantialisme et de l’essentialisme. Dès que ces soutiens nourriciers du discours du maître leur font défaut, nombre d’entre eux ont tendance à verser dans les réactions nihilistes (à l’image de certains sartriens très en vue en Mai 68, qui luttaient pour « commercialiser » une jouissance totale, libérée du fardeau du défaut de rapport sexuel).

 

La radicalité que le D.A nous permet de promouvoir, sur la base de cures, sérieusement conduites, concerne le rapport entre la saturation de sens (par la suture de l’écart S/s) et la signifiance qui excède (dans les deux sens du terme), comme le plus de jouir, tout sens qui prétend s’identifier au signifié, au titre de la jouissance accomplie et réalisée. Cette terrible prédicativité annihile les efforts qui consistent à radicaliser l’aliénation symbolique à partir de l’imprédicativité, inhérente à la fonction signifiante, laquelle articule l’excès, le dépassement et l’à venir, en dialectisant métonymie et métaphore. Ainsi, les œuvres d’art n’atteignent le sublime que lorsqu’elles dépassent leur créateur aussi bien que le sens premier dont elles sont porteuses. La signifiance qu’elle comporte et qu’elles mettent à nu les excède et suscite une émotion liée à la subversion qu’elles opèrent en tant qu’elles métaphorisent une « père-version ». Le véritable réalisme revient à prendre en compte l’échappement du réel qui détermine le dépassement, entendu comme ce qui assure le passage d’une réalité à une autre.

 

L’imprédicativité est la marque, la trace constante du défaut de rapport sexuel. Elle oriente la métonymie qui met au jour le ratage en métaphorisant l’incomplétude et le manque à être radical, lié au refoulement primordial, fondateur de la subjectivité en tant que le sujet émerge et procède de la mort de l’être aussi bien que de l’expulsion définitive de la Chose. Ces deux pertes – de l’essence et de l’objet – sont au fondement du processus métaphorique, animé par le désir et concrétisé par les pulsions, qui, en rencontrant le ratage, confirment leur matrice : le manque à être.

Face aux questions inhérentes à l’imprédicativité, liée à la fonction signifiante, les difficultés sont telles que même un EINSTEIN, dont les découvertes procèdent de la négation et de la subversion de la physique classique, reste attaché à la prédicativité, considérant que l’organisation de l’univers est un donné établi, qu’il s’agit de lire correctement pour mettre au jour ses principes et composants organisationnels,, à l’opposé des physiciens quantiques, qui préfèrent s’appuyer sur l’ex nihilo et l’après coup, pour fonder et soutenir leurs recherches et découvertes.

 

Enfin, pour faire écho à l’exposé de Dominique GUEVENOUX du 30/01/2016, sur « La Chose et l’institution », je dirais que l’imprédicativité est consubstantielle de l’expulsion de l’être, qui permet à l’infans d’accéder au statut de parlêtre (grâce au soins apportés par un autre, c’est l’Autre qui advient). Le vide opératoire caractérise la fonction signifiante et procède de la Chose, qui résulte de cette activité d’expulsion, concomitante de l’acceptation et de l’intégration (incorporation) irrévocable du symbolique. Aussi, la Chose signifie-t-elle la perte de l’essence en même temps que le gain de l’altérité et de la division subjective. Ce mouvement d’expulsion, caractéristique du refoulement primordial, se confirme par l’acceptation définitive de la dépendance du symbolique, dont l’incomplétude est éternelle, quelles que soient les parades imaginaires que l’être parlant lui oppose. Ces opérations concomitantes déterminent un rapport spécifique entre ce dernier et l’objet, qui se matérialise par l’échappement, lequel se répète à chaque fois pour articuler le ratage avec le désir. Ainsi, l’écho de la Chose se fait entendre dans les relations d’objet à travers les objets a, qui empêchent radicalement tout objet à devenir un prédicat mettant fin au manque à être, c’est à dire transgressant l’imprédicativité que le primat du signifiant impose. Les objets en rapport avec les objets a sont en fait des prédicats qui servent à concrétiser cette dernière. Elle leur confère cette fonction pour mettre en valeur et en évidence le désir en tant qu’il met en œuvre le ratage, corrélatif de l’absence de rapport sexuel. C’est ainsi que le sujet advient : l’aliénation signifiante induit la Chose en tant qu’elle procède d’un choix qui concerne l’irréversibilité d’une expulsion, permettant l’instauration d’un vide dont la fonctionnalité participe de l’acceptation du symbolique, et de son incomplétude, corrélative du réel, qui, parce qu’il échappe sans cesse, dépasse les prouesses de l’imaginaire, dont la visée consiste à lui faire échec en le maîtrisant, au nom de l’amour du tout (rapport sexuel).

 

Structuralement, la Chose obvie au rapport sexuel qui n’existe plus que sous la seule forme de l’absence. C’est la condition sine qua non du désir qui confirme la Chose et la quête d’objets comme attributs, pour souligner le ratage (mise en échec du ratage (de structure) = symptôme) et asseoir l’imprédicativité (échec de tout attribut à recouvrer une impossible complétude ou une jouissance totalitaire de type imaginaire, vouée à l’échec par la structure).

 

Toute prédicativité sert en fait à mettre au jour cette imprédicativité essentielle. Sinon, celle-ci se pervertit en prédicativité (Cf. le débat de l’institution comme « coquille vide » à Dim Psy, qui essentialise l’institution, alors qu’elle ne peut se prétendre telle, que si le vide est mis en œuvre grâce au signifiant, et soutienne un travail spécifique : celui de l’évidement de tout ce qui tend à la remplir nécessairement).

Le désir affirme et confirme le vide, issu de l’expulsion de la Chose (de l’essence, de l’en soi, de tout absolu). Il offre le ratage au destin des pulsions. C’est pourquoi il est toujours question de donner au vide sa pleine mesure pour évider et déconstruire les productions du moi, à partir desquelles, il se voit décentré, permettant ainsi au sujet de recouvrer sa place fondamentale.

 

En conclusion, c’est parce que l’efficacité de la psychanalyse réside entièrement dans l’éthique de son discours que la radicalité est nécessaire, afin que nulle concession ne vienne pervertir la structure du D.A, telle qu’elle a été écrite dans le mathème lacanien. Les sornettes qu’on se laisse dire par des personnes très tolérantes et bien intentionnées (qui abhorrent l’intension) laissent toujours entendre qu’il ne faut pas « se casser la tête » avec « le dire qui reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend ». (LACAN). Or c’est la radicalité du D .A en tant qu’il ne cesse d’évider les extensions pour en dégager l’imprédicativité irréductible, que le caractère scientifique de la psychanalyse est préservé, d’autant plus que la structure de son discours ne souffre aucun empirisme ni pragmatisme. Et c’est aussi cette radicalité à toute épreuve qui protège ses propriétés subversives (« la peste ») contre l’aliénation sociale, nourricière de psychose, à laquelle collaborent nombre de ceux qui sont terrorisés par la signifiance, laquelle excède –en les trouant- leurs propres constructions.

 

Amîn HADJ-MOURI

01/02/2016

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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