Hommage à Georges POLITZER – 1ère partie

Je vous propose, par la rédaction de plusieurs articles, inscrits dans le fil d’une lecture de son ouvrage princeps « Critique des fondements de la psychologie », un hommage à Georges POLITZER.
Il s’agit de reprendre quelques arguments de ce fidèle lecteur de S.FREUD que l’on pourrait presque taxer d’avant-gardisme, tant sa compréhension des découvertes freudiennes dépasse celles des psychanalystes venus à la suite de S.FREUD.
 
Je commence ici par la distinction établie entre la psychanalyse et les psychologies qui la précèdent. Distinction dont je pointe un des aboutissement, à savoir que la psychanalyse ne traite pas du fait psychique « en troisième personne »…
 
Bonne lecture!
(pensez au mode lecteur)
 

 

 

Georges POLITZER, en 1928, lorsqu’il écrit sa « Critique des fondements de la psychologie » est certainement l’un des lecteurs de Freud ayant le mieux saisi les enjeux de sa découverte.

Le point de départ de cet ouvrage est d’abord une critique de la « psychologie classique »; une psychologie que seule la psychanalyse saurait défaire.
POLITZER s’attache à démontrer que cette psychologie classique ne peut prétendre au titre de science: – Soit parce qu’elle emprunte à d’autres disciplines, scientifiques celles-là (physique, biologie, etc.), leur spécificité se montrant incapable de constituer par elle-même une science nouvelle avec son objet d’étude propre.
– Soit parce que ses procédés n’ont aucune valeur scientifique. Les psychologues n’ont jusqu’alors fait preuve que d’abstractionnisme: montant des catégorisations les plus farfelues les unes que les autres donnants lieux à des théories empiristes; des théories sans aucun appui concret.

Là est la véritable critique de POLITZER à l’égard de la psychologie précédant la psychanalyse. Il distingue ainsi la « psychologie abstraite » de la psychanalyse en considérant cette dernière comme l’unique « psychologie concrète ».
C’est en étudiant la Traumdeutung de FREUD, que POLITZER y trouve les objets concrets d’une démarche scientifique. La particularité de ces objets concrets est qu’ils ne le sont pas au même titre que ceux des autres sciences…
Il est assez inattendu que la psychanalyse puisse être taxée de « psychologie concrète », notamment du fait de la spécificité de son objet d’étude: le psychisme… Sauf à considérer la psychologie qui la précède historiquement sur ce champ d’étude.
De fait, ce que POLITZER reproche à ces psychologues de l’abstraction c’est le caractère introspectionniste de leurs travaux, eurent-ils donné à ces travaux des caractères scientifiques d’autres disciplines: « Les psychologues sont scientifiques comme les sauvages évangélisés sont chrétiens. »

A la critique de cette « psychologie classique », POLITZER ajoute la critique de cette « psychologie nouvelle »: le behaviourisme de WATSON. S’il lui reconnait cette vertu qu’est celle de sa méthode « objective », il constate que nombre de ceux qui s’y étaient déjà convertis, en sont revenus: vers quoi? L’introspectionnisme. C’est dire qu’il n’était pas possible de trouver là une science de la psychologie et pour cause: son objet d’étude n’est pas celui de la psychologie. C’est une « science de la nature impliquant un renoncement absolu, et sans condition, à la vie intérieure ».La tentative de WATSON ne fait que « sauver l’objectivité, mais perd la psychologie ».

La psychanalyse correspond à l’introduction d’une discipline ni introspectionniste ni inspirée par la méthode « objective ».
« La psychanalyse, elle s’est trouvée (…) débordée par l’expérience qui, consultée enfin, ne demandait qu’à parler ».
C’est sur ce point que POLITZER fait preuve d’une véritable rigueur quant à la lecture des textes freudiens. Il entend que le seul objet d’étude valable, la seule matière psychique dont une science pourrait faire usage, est le récit du sujet.
Dans la Traumdeutung,qui constitue son principal point d’appui critique de la psychanalyse (ce qui reste regrettable, aux vues des autres textes freudiens dont il disposait en 1928), il perçoit que, face au rêve, « un schéma d’interprétation classique se heurte à une « anomalie » qui se révèle finalement comme « un ferment dialectique » très puissant, et fait briser le schéma classique, pour devenir le point de départ d’une vision nouvelle. »
POLITZER trouve, en la Traumdeutung, une « critique des théories organiques », lesquels dénigrent la valeur « positive » du rêve, en le considérant davantage comme un défaut de l’appareil que comme une partie importante de la vérité qui le concerne. Il en est de même pour cet usage de l’abstraction habituel chez les psychologues qui « commencent par détacher le sujet du rêve » : ils ne considèrent pas le rêve comme « fait par le sujet ». « L’abstraction élimine le sujet ».

POLITZER semblerait avoir pressenti ce que LACAN n’aura de cesse de défendre : le sujet caractérisé par sa division ; caractérisé par sa dialectique.
Il met en avant ce que nous devons encore répéter aujourd’hui, avec insistance, tant les lecteurs communs des textes psychanalytiques ne semblent vouloir entendre qu’il y est question de fiction. Celle du sujet qui ne saurait aborder le réel que par le prisme du fantasme.

La psychanalyse reste la seule à ne pas aborder « les faits en tant que « troisième personne ». POLITZER trouve sur cet abord de la psychologie classique, un caractère propre aux sciences physiques. Or, ce qui devrait caractériser la psychologie serait une position en « première personne ». La psychologie classique « parle du moi d’une part et des faits psychologiques d’autre part (…) elle les traite comme s’ils étaient en troisième personne ».
Nous en revenons à la différenciation établie par LACAN entre: une science du sujet et le sujet de la science.
La spécificité de la science du fait « psychologique » (terme qu’emploie encore POLITZER à propos de la psychanalyse ; « psychologie concrète ») est qu’elle n’a d’objet que le sujet. Ainsi ce ne sont que les faits portés et rapportés par celui-ci qui peuvent en constituer l’étude.
Je fais lien, sur ce point, à la nomination de ces faits comme « extensions » : seuls points de saisie du fait psychique, lui-même rapporté à la « fonction » telle que définie par René LEW, avec la récursivité.
Même si POLITZER n’a pas accès à ces élaborations post freudiennes ni même à celles de Freud d’après 1928, il n’en reste pourtant pas moins érudit quant à ce que l’élaboration freudienne est en train de mettre à jour.

Insistons sur ce constat du fait psychique pris en « troisième personne » dans la psychologie classique dite « abstraite ». C’est un point fondamental. Pourquoi? Car il s’agit là de la démarche même du porteur de symptôme. Celui-ci a fait de ce symptôme un point de mire de son existence psychique. Celui-ci prend une place telle dans son quotidien qu’il semble s’imposer à lui comme un fait extérieur, au point qu’il en finit par demander: « Ôtez-moi ce symptôme que je ne saurais faire taire! ». « Ôtez-moi », entendez-vous ce paradoxe? La construction symptomatique est alimenté par le désir de l’Autre, quand bien même ce désir s’y retrouve nié.

Comment pourrions-nous sérieusement affronter le symptôme en jouant ce jeu de la négation du désir, en objectalisant le fait psychique comme le fait le malade?

 

 A suivre…

Benoit LAURIE

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