Guérir du symptôme psychique

Texte faisant suite à la réunion du 17 octobre 2017 au CMPP Henri Wallon – Roubaix. L’objectif visé étant de clarifier notre pratique auprès de nos partenaires. Il s’agit ici de ma proposition, comme part d’une construction collective.

Guérir du symptôme psychique

 

A différencier de l’ordre médical

Le savoir médical repose sur une logique classique: les symptômes d’une maladie ont une cause organique face à laquelle existe (ou non) une solution pré-établie.
Existent des symptômes ne relevant pas de cette logique, qui relèvent d’une autre logique: celle du soin psychique, nécessitant une intervention spécifique; différente de celles propres à la logique médicale.

Plus qu’un corps

Le soin psychique appelle à considérer que celui que l’on dit humain est plus qu’un corps: il est sujet du langage. Il existe grâce à ce qui subvertit la logique corporelle univoque du besoin: pour exister comme sujet, il ne suffit pas de manger, de boire, de dormir…
L’illustration concrète et explicite en est le constat de ces bébés élevés en orphelinat par des soins essentiellement centrés sur leur besoins physiques (nourris par des biberons non tenus par une main mais coincés dans le lit, sans le regard d’une nourrice portant l’enfant, etc.). Ce sont des bébés si mal nourris affectivement qu’ils en meurent (syndrome d’hospitalisme – SPITZ).
Le vécu réel du sujet (du langage) se trouve structuré par des représentations (relevant du symbolique et de l’imaginaire); ces représentations font écart avec le réel, ainsi perçu par le sujet.

La dimension relationnelle du symptôme psychique

S’il y a du symptôme psychique, la dimension relationnelle est à prendre en compte.  Tout symptôme psychique participe d’une logique de négation de cette dimension spécifique à l’existence du sujet; à savoir qu’il n’existe pas sans l’Autre. Cela suppose qu’il y ait question de désir et de demande. Autrement dit, le symptôme rappelle à celui qui en fait le témoignage (par le langage, figuré sous forme de demande) qu’il s’inscrit dans la relation d’amour.
La position de celui qui aidera à guérir est de donc de favoriser l’interrogation de ce qui fait trouble pour le sujet, dans sa relation à l’Autre (dans sa considération du désir qui l’habite).
Dire qu’il n’y a pas de sujet (de je) sans l’Autre, c’est reconnaitre que le sujet est aliéné à l’Autre. Il est divisé entre son lot de certitudes (ses représentations propres du réel) et ce qui lui échappe (l’Autre, comme instance, représente cette part qui échappe à son lot de certitude). Comme sujet, je ne saurais être Tout (et je ne saurais avoir Tout).

Le cadre de la cure

La démarche du praticien de la cure doit favoriser l’interrogation de la relation à l’Autre. Pour cela, il doit fournir un cadre particulier : celui de l’analyse de transfert, c’est-à-dire l’analyse de la relation à laquelle amène le symptôme; une relation que préfigure la demande associée à la présentation de ce symptôme.
La demande, si elle n’est pas dite, peut se manifester sous d’autres formes, tels celle du comportement de l’enfant qui dérange son entourage…
Cette demande pourrait être formulée ainsi: « Ôtez-moi ce qui me dérange! ». A la différence d’une maladie qui serait purement organique, le symptôme psychique suppose le sujet acteur de celui-ci; il n’y est pas pour rien. Cette demande (« Ôtez-moi ce qui me dérange! ») serait donc paradoxale: même si ce qui le dérange lui semble étranger, il en est bel et bien acteur.
Le caractère étranger voire d’étrangeté du symptôme (qui s’illustre dans d’autres formulations de la demande, souvent entendues ainsi: « Quand j’agis ainsi, je ne me reconnais pas ») correspond à ce qu’on appelle autrement: l’inconscient (Cf. « Das Unheimliche » – « L’inquiétante étrangeté » – FREUD (1919)).
C’est à la reconnaissance de cette étrangeté en soi que s’attèle la démarche psychanalytique. Il s’agit d’éclairer la part laissée innentendue, niée dans la situation du trouble.
Il s’agit, par exemple, d’entendre d’un enfant dont les parents et les enseignants disent qu’il est agité et violent, les représentations qui l’habitent: ce peut être la peur de se faire détruire par quelques autres ou de voir ceux qui le protègent disparaitre… Ce peut-être l’attente d’une manifestation d’amour jusque là souvent apparue sous les traits d’une violence (dans le cadres familial, par exemple), etc.
Le symptôme est une manifestation extérieure de la vie psychique du sujet, qui prend alors forme pour apparaitre au regard des autres. Il est remarquable que tout symptôme trouble la relation à l’Autre (inhibition, isolement, rejet, etc.). Plutôt que de s’en tenir au simple constat de ce défaut apparent, reste à éclairer sa fonction pour le sujet, dans sa relation aux autres. C’est cela que la cure doit permettre d’éluder, afin que le sujet (l’enfant notamment) ne se donne plus tant de mal pour exister.
Répétons-le, le sujet existe lié à l’Autre (a-lié-né): il existe depuis ce langage qui le fonde, qui le précède et dont il se fait le porte-parole. C’est au langage particulier, subjectivé, que la cure accorde toute sa place. Cela revient à accorder toute sa place à l’Autre, c’est-à-dire: à ce qui échappe à tout sujet: tant à celui qui vient pour aller mieux qu’à celui qui a prétention à l’y aider.

Le savoir du sujet

La reconnaissance d’un savoir qui échappe au sujet constitue la raison de la position du psychanalyste: il ne prend pas la position de savoir mieux que l’analysant: ni devant lui, ni devant les autres de son entourage…  Se faire détenteur d’un savoir sur l’enfant, à sa place, reviendrait à nier l’enjeu de la cure. Au contraire, s’agit-il de favoriser, chez lui, l’élaboration de son propre savoir; celui-là même qui a participé à la construction de ses symptômes.
Répondre aux demandes de conseils, aux demandes d’expertises concernant un sujet singulier, revient à participer à cette logique du symptôme, laissant l’illusion qu’il y aurait forcément, à l’extérieur, une carte (déjà écrite) donnant la « bonne » direction. Au contraire, cette direction reste inconnue tant que celui qui vise à l’emprunter ne s’y est pas engagé: à l’écoute de ce qui l’appelle à chercher lui-même sa voie (sa voix): son désir.
Biensûr, un enfant en tant que tel, dépend du cadre, de la stabilité et du savoir-faire de qui fait fonction de parent pour lui. N’empêche que ce parent est lui-même habité par des représentations singulières, qui ne sauraient primer pour tous.
Tout l’enjeu, pour le parent auquel se réfère l’enfant, est de le soutenir sur la voie de son devenir sans lui imposer ses propres déterminants (à commencer par ce qui, pour ce parent, peut faire symptôme et parasiter sa relation aux autres, particulièrement: à ceux qui l’aiment).

Benoit Laurie,
Octobre 2017.

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